La stratégie israélienne n’a pas marché. Elle n’a pas marché parce qu’encore une fois, l’état hébreux n’a pas compris son environnement géopolitique et la mentalité des peuples qui l’entourent. La création du Hezbollah est symptomatique des événements du Moyen Orient et non pas causal. Pour rappel, les chiites du Liban ont souffert, ils ont souffert du Fatah land dans le Sud Liban durant les années 70, ils ont souffert de l’occupation israélienne vingt ans durant des années 1980 à 2000.
La création du Hezbollah est symptomatique de cette souffrance et cette organisation jouit d’un réel soutien populaire de la communauté chiite. Le conflit actuel avec le Hezbollah, contrairement à l’espérance israélienne ne fait qu’amplifier ce soutien chiite et donc est contraire à l’objectif israélien de destruction de celui-ci.
Oui, le Hezbollah est une organisation terroriste, mais ce n’est pas une raison suffisante pour tuer des civils, pour utiliser des armes non conventionnelles contre ceux-ci comme les bombes au phosphore. Israël a des droits, mais également le devoir de protéger les civils, qu’ils soient israéliens ou libanais. De plus, l’expérience montre et démontre que ce n’est pas en bombardant de haut qu’on se débarrasse d’une guérilla, mais en allant la baïonnette, ou je dirais plutôt ironiquement, la fleur au fusil.
L’objectif israélien n’est donc pas logique ou alors a un autre objectif : Je ne rentrerais pas dans ces détails vu que je n’ai pas l’envie de polémiquer à propos des différentes théories du complot toujours en vogue dans les salons libanais, mais je ne dirais, à ce propos, que les événements en cours, me rappellent étrangement des articles publiés par certaines organisations néoconservatrices américaines à la veille de la guerre contre l’Irak, en 2003 donc.
La force du Hezbollah ne vient pas tellement de son armement -qui a toujours été important -mais plutôt d’un environnement régional où les chiites ont eu le vent en poupe entre l’Iran, l’Irak et le Liban. La force du Hezbollah réside dans ses services sociaux, accordés à des populations dans le besoin en échange de leur appui au Hezbollah. Le Hezbollah est plus qu’une guérilla et devient un martyr pour les chiites du Liban, à l’image, pour les chiites d’Irak, d’Ali et Hussein morts à Kerbela. À force de ne plus rien avoir à perdre, de plus en plus de chiites soutiennent le Hezbollah. Israël a aussi failli sur ce point en renforçant le Hezbollah. Du coté des autres communautés libanaises, tous se sentent visés désormais, les chrétiens offrent l’hospitalité aux gens du sud, et se font même bombarder, comme aujourd’hui les régions du Kesrouan où les antennes GSM et de télévision ont été détruites.
Les services et les infrastructures de l’état sont mal en point, plusieurs casernes de l’armée libanaise, qui pourtant devra sécuriser la frontière Nord d’Israël, ont été visées, une caserne de la défense civile à Tyr, détruite. Les forces de la FINUL, dépendant donc de l’ONU et garantes en principe de la frontière du Sud Liban, elles même ont été touchées. Que recherchent donc les forces israéliennes ? Il semble que la conférence internationale donne le feu vert à Tsahal pour procéder à l’annihilation du Liban. Les vagues promesses de laisser les infrastructures vitales pour le Liban sont restées vaines à l’heure qu’il est, c’est à se demander ce qu’il reste encore à détruire dans ce pays qui fut magnifique. Sous le couvert de la lutte contre le terrorisme global, le président américain accepte la mort de civils libanais innocents.
J’ai personnellement cru, l’année dernière, aux promesses de Bush pour un Liban démocratique. J’ai eu ce rêve et voila qu’aujourd’hui, il me le détruit. Israël n’a pas d’autre choix que de procéder à une opération militaire de grande envergure, pas seulement contre le Hezbollah, contre toute la communauté chiite qui a le culte du martyr d’Ali. Mais viser une communauté religieuse pour sa religion, c’est commettre un génocide. Toutefois, ce qui reste le plus inquiétant est l’après conflit : La place du Hezbollah risque d’être renforcée et son désarmement rendu encore plus dur, le piège de la guerre civile sera proche, car on n’est pas dupe des promesses d’une force internationale, personne ne va aider le Liban à désarmer le Hezbollah et cela à cause des attentats de 83, ou des GI’s et des soldats français sont morts au cours d’attentats, et personne ne va aider le Liban à réparer les 4 milliards de dollars de dégâts comme personne ne l’avait aidé au sortir de la guerre civile.
On ne peut pas désarmer le Hezbollah tant qu’il bénéficie d’une assise populaire, vu que cela risquerait de nous mener à une guerre civile. Il faut donc renforcer l’état qui doit affirmer son autorité et entrer en compétition avec le Hezbollah. Et là encore Israël a mal joué, ils détruisent leur allié potentiel dans la lutte contre le Hezbollah, et sa reconstruction sera complexe. Sur un plan économique, les dégâts, qui s’élevaient selon le dernier bilan à 4 milliards de dollars, vont encore paupériser la population chiite, entre autre, et donc renforcer son lien avec le Hezbollah par l’intermédiaire des services sociaux qu’il propose, tandis que l’état, lui, sera rendu responsable de la hausse du chômage et de la dévaluation de la livre libanaise quasi inéluctable. Sur un plan politique enfin, j’ai peur que les tensions qui peuvent avoir lieu aboutissent sur l’extrémisation de chaque camp et sur l’augmentation des tensions déjà très présentes.
Le Liban est seul et ses seuls amis sont la diaspora libanaise à l’étranger qui doit se mobiliser et témoigner des ravages de la guerre.
URL TRACKBACK : http://www.agoravox.fr/tb_receive.php3?id_article=11777