Le mardi 12 juin 2007
Chasse au terrorisme : Bush essuie un autre revers
Richard Hétu
La Presse
Collaboration spéciale
New York
Quelques jours à peine après avoir subi une défaite majeure à Guantanamo, la justice de George W. Bush essuie un autre revers cinglant, cette fois-ci aux États-Unis. Dans une décision rendue par deux voix contre une , une cour d’appel a estimé hier que le président américain n’avait pas le pouvoir de soumettre un terroriste présumé, en l’occurrence Ali al-Marri, citoyen qatari, une détention militaire illimitée.
Soupçonné d’être un «agent dormant» du réseau Al-Qaeda, al-Marri, 41 ans, est la seule personne détenue aux États-Unis en tant qu’»ennemi combattant». Il avait saisi la justice fédérale pour contester sa détention sans inculpation à bord d’un brick de la US Navy en Caroline du Sud.
En juin 2003, le président Bush avait ordonné le transfert d’al-Marri à cet endroit, lui ayant conféré le statut de « combattant ennemi ». Or il a outrepassé ses pouvoirs, a fait valoir la cour d’appel fédérale de Richmond (Virginie), une des plus conservatrices du pays.
« Sanctionner l’autorité du président d’ordonner à l’armée d’arrêter et de détenir indéfiniment des civils, même si le président les appelle «combattants ennemis», aurait des conséquences désastreuses pour la Constitution – et le pays », a écrit la juge Diana Gribbon Motz.
« Nous refusons de reconnaître une revendication de pouvoir qui changerait à ce point les fondations constitutionnelles de notre république », a-t-elle ajouté.
Le gouvernement avait fait valoir que la loi de l’automne dernier sur le traitement des terroristes présumés à Guantánamo s’appliquait à Marri. Cette loi interdit notamment aux détenus de Guantánamo de saisir la justice civile avant d’avoir été jugés par un tribunal militaire.
« La nouvelle loi ne s’applique pas à Ali al-Marri », a cependant écrit la juge Gribbon Motz.
Ali al-Marri est arrivé aux États-Unis le 10 septembre 2001 avec un visa pour étudier à Peoria (Illinois), où il avait déjà obtenu un diplôme. Il était accompagné de sa femme et de cinq enfants. Soupçonné de fraude à la carte bancaire, il a été arrêté trois mois plus tard.
Al-Marri a été déclaré « combattant ennemi » et transféré dans une prison militaire après l’arrestation de son frère au Pakistan en janvier 2002. Selon le gouvernement américain, ce dernier a suivi un entraînement dans les camps d’Al-Qaeda en Afghanistan et proposé ses services à Oussama ben Laden à l’été 2001 comme kamikaze.
La décision de la cour de Richmond ne signifie pas qu’al-Marri doit être libéré. Sa détention militaire doit cependant cesser. « Comme d’autres accusés d’activités terroristes dans ce pays (…), Ari al-Marri peut retourner devant la justice civile, être jugé pour des crimes, et s’il est condamné, sévèrement puni. Mais le gouvernement ne peut soumettre al-Marri à une détention militaire illimitée. Parce qu’aux États-Unis, l’armée ne peut pas arrêter et emprisonner les civils, encore moins les emprisonner de manière illimitée », a fait valoir la cour. La semaine dernière, à Guantánamo, deux juges militaires ont levé toutes les accusations qui pesaient sur le Canadien Omar Khadr et le Yéménite Salin Ahmed Hamdan, deux « combattants ennemis » détenus sur la base de Cuba depuis cinq ans.
Selon les juges, Washington n’a pas réussi à prouver que Khadr et Hamdan sont des « combattants ennemis illégaux ».
Ari al-Marri est le dernier « combattant ennemi » en sol américain. L’un des deux autres, le Saoudien Yaser Esam Hamdi, a été retourné dans son pays d’origine. Le troisième, l’Américain Jose Padilla, subit présentement son procès devant le tribunal fédéral de Miami.
« C’est une immense victoire », a déclaré l’avocat new-yorkais d’al-Marri, Jonathan Hafetz. « La cour a sainement et justement rejeté la tentative du gouvernement de considérer la terre entière comme un champ de bataille hors du droit. »
Dans un communiqué, le ministère de la Justice a fait savoir qu’il demanderait au tribunal fédéral de Richmond d’entendre la cause d’al-Marri.
http://www.cyberpresse.ca/article/20070612/CPMONDE/70612029/1014/CPMONDE
Chasse au terrorisme : Bush essuie un autre revers
Richard Hétu
La Presse
Collaboration spéciale
New York
Quelques jours à peine après avoir subi une défaite majeure à Guantanamo, la justice de George W. Bush essuie un autre revers cinglant, cette fois-ci aux États-Unis. Dans une décision rendue par deux voix contre une , une cour d’appel a estimé hier que le président américain n’avait pas le pouvoir de soumettre un terroriste présumé, en l’occurrence Ali al-Marri, citoyen qatari, une détention militaire illimitée.
Soupçonné d’être un «agent dormant» du réseau Al-Qaeda, al-Marri, 41 ans, est la seule personne détenue aux États-Unis en tant qu’»ennemi combattant». Il avait saisi la justice fédérale pour contester sa détention sans inculpation à bord d’un brick de la US Navy en Caroline du Sud.
En juin 2003, le président Bush avait ordonné le transfert d’al-Marri à cet endroit, lui ayant conféré le statut de « combattant ennemi ». Or il a outrepassé ses pouvoirs, a fait valoir la cour d’appel fédérale de Richmond (Virginie), une des plus conservatrices du pays.
« Sanctionner l’autorité du président d’ordonner à l’armée d’arrêter et de détenir indéfiniment des civils, même si le président les appelle «combattants ennemis», aurait des conséquences désastreuses pour la Constitution – et le pays », a écrit la juge Diana Gribbon Motz.
« Nous refusons de reconnaître une revendication de pouvoir qui changerait à ce point les fondations constitutionnelles de notre république », a-t-elle ajouté.
Le gouvernement avait fait valoir que la loi de l’automne dernier sur le traitement des terroristes présumés à Guantánamo s’appliquait à Marri. Cette loi interdit notamment aux détenus de Guantánamo de saisir la justice civile avant d’avoir été jugés par un tribunal militaire.
« La nouvelle loi ne s’applique pas à Ali al-Marri », a cependant écrit la juge Gribbon Motz.
Ali al-Marri est arrivé aux États-Unis le 10 septembre 2001 avec un visa pour étudier à Peoria (Illinois), où il avait déjà obtenu un diplôme. Il était accompagné de sa femme et de cinq enfants. Soupçonné de fraude à la carte bancaire, il a été arrêté trois mois plus tard.
Al-Marri a été déclaré « combattant ennemi » et transféré dans une prison militaire après l’arrestation de son frère au Pakistan en janvier 2002. Selon le gouvernement américain, ce dernier a suivi un entraînement dans les camps d’Al-Qaeda en Afghanistan et proposé ses services à Oussama ben Laden à l’été 2001 comme kamikaze.
La décision de la cour de Richmond ne signifie pas qu’al-Marri doit être libéré. Sa détention militaire doit cependant cesser. « Comme d’autres accusés d’activités terroristes dans ce pays (…), Ari al-Marri peut retourner devant la justice civile, être jugé pour des crimes, et s’il est condamné, sévèrement puni. Mais le gouvernement ne peut soumettre al-Marri à une détention militaire illimitée. Parce qu’aux États-Unis, l’armée ne peut pas arrêter et emprisonner les civils, encore moins les emprisonner de manière illimitée », a fait valoir la cour. La semaine dernière, à Guantánamo, deux juges militaires ont levé toutes les accusations qui pesaient sur le Canadien Omar Khadr et le Yéménite Salin Ahmed Hamdan, deux « combattants ennemis » détenus sur la base de Cuba depuis cinq ans.
Selon les juges, Washington n’a pas réussi à prouver que Khadr et Hamdan sont des « combattants ennemis illégaux ».
Ari al-Marri est le dernier « combattant ennemi » en sol américain. L’un des deux autres, le Saoudien Yaser Esam Hamdi, a été retourné dans son pays d’origine. Le troisième, l’Américain Jose Padilla, subit présentement son procès devant le tribunal fédéral de Miami.
« C’est une immense victoire », a déclaré l’avocat new-yorkais d’al-Marri, Jonathan Hafetz. « La cour a sainement et justement rejeté la tentative du gouvernement de considérer la terre entière comme un champ de bataille hors du droit. »
Dans un communiqué, le ministère de la Justice a fait savoir qu’il demanderait au tribunal fédéral de Richmond d’entendre la cause d’al-Marri.
http://www.cyberpresse.ca/article/20070612/CPMONDE/70612029/1014/CPMONDE