Chavez fait disparaître une chaîne proche de l'opposition
Associated Press (AP) Fabiola Sanchez
26/05/2007 11h09
Condamnée à disparaître ce dimanche sur décision du président vénézuélien Hugo Chavez, la chaîne de télévision privée RCTV (Radio Caracas Television), proche de l'opposition, se voit en outre privée de ses équipements et infrastructures: un arrêt de la Cour suprême de Caracas stipule qu'ils seront repris par la chaîne nationale, acquise au pouvoir.
Une fois réélu, en décembre dernier, Hugo Chavez avait annoncé qu'il ne renouvellerait pas la licence de RCTV, officiellement par souci de démocratisation du paysage audiovisuel vénézuélien, le créneau accordé à cette chaîne privée -la plus regardée au Venezuela- allant à une chaîne publique.
Le président reproche en fait à RCTV d'avoir soutenu les putschistes qui l'avaient brièvement chassé du pouvoir en 2002. Ce dont ne sont pas dupes les organisations de protection de la liberté de la presse, qui voient dans la décision de M. Chavez la volonté de réduire au silence une chaîne d'opposition.
Afin de prévenir de possibles troubles, la Cour suprême a également ordonné dans son arrêt rendu public vendredi que l'armée prenne provisoirement position devant les locaux de RCTV, qui cessera d'émettre dimanche à minuit, date d'expiration de sa licence.
Pour Marcel Granier, directeur général de RCTV, la décision de la plus haute juridiction du pays de saisir le matériel de la chaîne est le fruit de «l'immense pression que le gouvernement fait peser sur les magistrats» pour garantir que la fermeture aura lieu comme prévu. «Ces équipements appartiennent à RCTV», a-t-il fait valoir.
Un peu plus tôt vendredi, l'animateur vedette Miguel Angel Rodriguez, dont le «talk show» quotidien n'épargnait jamais le régime Chavez, avait terminé son émission en adressant un baiser à la caméra et en jurant qu'il ne s'agissait «que d'un au-revoir».
Dans un discours prononcé le même jour et que toutes les chaînes privées du pays ont eu l'obligation de retransmettre, le chef de l'Etat a réfuté toute atteinte à la liberté de la presse.
«Il n'y a pas de pays au monde où la liberté d'expression est aussi grande», a-t-il assuré, confirmant toutefois que la licence de RCTV «expire le 27 mai à minuit et ne sera pas renouvelée».
Des manifestations ont été organisées à Caracas ces dernières semaines contre la suppression de RCTV et des organisations non gouvernementales comme Human Rights Watch et Reporter sans frontières ont dénoncé une volonté manifeste d'étouffement d'un porte-voix de l'opposition. La commission des relations extérieures du Sénat américain a pour sa part adopté jeudi une résolution condamnant la décision du président vénézuélien qualifiée de «précédent alarmant» par le Parlement européen.
Cette fermeture annoncée était vécue dans les studios de RCTV avec un mélange d'amertume et de défiance. «Non à la fermeture», pouvait-on lire sur les t-shirts d'employés de la chaîne.
«Il y a beaucoup d'incertitude, c'est dur à vivre», expliquait l'un d'eux, Alejandro Gonzalez Natera, technicien à RCTV depuis 22 ans, les yeux embués de larmes.
Une partie des 2.500 employés de la plus ancienne chaîne du pays, fondée en 1953, continueront à produire des «telenovelas» à destination d'autres groupes de télévision latino-américains.
Selon le ministre de l'Information Willian Lara, TVES, la nouvelle chaîne appelée à remplacer RCTV, commencera à émettre dès lundi matin et pourra être reçue partout au Venezuela, ce dont doutent les opposants au président Chavez, qui invoquent un manque de matériel.
http://www2.canoe.com/infos/international/archives/2007/05/20070526-110921.html