Grandeur ou décadence américaine en Irak ?
Grandeur et décadence. La grande Amérique n’est plus maîtresse du reste du monde ? Son ensablement en Irak le laisse croire. Cruel destin qui voit le sort des Etats-Unis en Irak dépendre des «pays du camp du Mal». Cruel destin que d’appeler à l’aide les ennemis déclarés sur lesquels pèse la menace américaine d’interventions militaires. Quel dessein pour l’Irak ? Ou plutôt quel enjeu pour les Irakiens? Ou plutôt, quel projet américain pour toute la région, y compris donc l’Irak ?
S’il apparaît une contradiction dramatique pour le retour de la paix en Irak du constat que les Etats-Unis n’ont pas révisé leurs positions à l’égard de la Syrie et de l’Iran, considérés pourtant comme pièces maîtresses dans une sortie américaine du bourbier irakien, pourquoi alors les Américains pourraient-ils s’attendre à ce que ces pays coopèrent ? Les Etats-Unis ont presque perdu leur statut de «gouvernement» du monde en ne parvenant pas à pacifier l’Irak.
Lorsque se développent des reproches à l’encontre des Etats-Unis, il est souvent reproché à ce pays d’agir en puissance plus que dominante, de profiter de son écrasante supériorité militaire pour poursuivre des objectifs d’hégémonie sur le monde, et il lui serait presque demandé de descendre de son piédestal et de se comporter comme le plus petit pays du monde avec cependant la conviction que la grande Amérique continuera toujours à n’écouter que ses propres intérêts.
Nous savons tous très bien que même à l’échelle du quartier, il y toujours la recherche de la domination d’un élément sur le groupe. Pourquoi cela ne serait-il pas valable à l’échelle du monde ?
Dans l’histoire telle qu’elle est racontée, a-t-il seulement existé dans les quatre contrées du monde un seul pays qui, se sachant le plus puissant, le plus grand, en mesure de dominer et de tirer des dividendes des moyens de force à sa disposition, qui renoncerait réellement au rang qu’il pourrait acquérir sans faillir, sans scrupule même au regard des moyens utilisés, car lui revenant en vertu du droit du plus fort sur la scène internationale ?
Sans nul doute que tout pays pouvant se trouver dans la position américaine d’hyper-puissance cèdera fatalement à la tentation de l’unilatéralisme, à l’instrumentation de la puissance pour redéfinir les relations internationales, à pratiquer la diplomatie de la coercition, à faire évoluer ses principes en fonction de ses intérêts, à disposer d’une doctrine militaire qui lui permettra de concevoir le format de ses forces en adaptation au rôle mondial qu’il entend jouer.
Israël déjà qui se sait superpuissance dans la région et qui sait également que les Etats-Unis lui garantiront toujours une supériorité opérationnelle et technologique sur tous ses voisins arabes ne rate jamais l’occasion de se comporter en puissance militaire hégémoniquement dominante au point de dicter leur conduite, même, ou plutôt surtout, par le biais de ses protecteurs américains, à tous les régimes environnants.
Le monde donc tel qu’il se dessine pour le moment tend à son unipolarisation, à savoir que l’hyper-puissance américaine demeure sans adversaire de taille capable de tenter d’endiguer son influence.
Les pays qui sont des puissances régionales et qui pensent parvenir à avoir une vocation mondiale voient, bien sûr, en les Etats-Unis un obstacle sérieux devant l’application de leur vision d’un monde qu’ils souhaiteraient multipolaire afin qu’ils puissent dès maintenant avoir une place active dans la régulation des relations internationales.
Cependant, même si les intentions sont celles de parvenir à émerger en dehors de l’influence américaine, la certitude est grande qu’il ne faudrait pas trop apparaître comme aspirant à évoluer à l’avenir en concurrent ou adversaire des Etats-Unis.
Aussi, faudrait-il à ces pays un peu trop rêveurs ou qui versent dans des illusions de puissance enclines à vouloir dominer le monde, tenir compte de la réalité du terrain, c’est-à-dire des rapports de force, et admettre pour un bon moment encore que le monde sera américain et seule la reconnaissance de cette importante donnée permettra de comprendre pourquoi les Etats-Unis bougent tellement et dans quel sens ils se mettent en mouvement.
Toute la politique de redéploiement des Etats Unis dans le monde, à la fois par la diplomatie et par les forces armées, intègre l’idée centrale qu’il faudrait occuper le terrain, étendre leur influence, tenter de créer les conditions de son irréversibilité, implanter dans toutes les régions du monde des pôles régionaux, bien sûr, pro-Américains, ou des puissances régionales acceptant de s’intégrer comme sous-traitants dans une architecture de sécurité définie bien évidemment par eux. Ce sont autant d’objectifs qui ont servi à fonder la vision américaine du monde et dont la mise en œuvre est confiée aux moyens de la diplomatie coercitive.
La cartographie des influences est bien sûr à dessiner bien avant le retour de la Russie au niveau de la puissance militaire qu’avait l’ancienne Union soviétique, avant également l’achèvement de la montée en puissance de la Chine et éventuellement l’évolution de l’Union européenne vers sa constitution en «Etats-Unis d’Europe».
Depuis 1991 avec l’implosion de l’URSS et la dissolution des forces du pacte de Varsovie, la situation qui en avait résultée et qui demeure validée jusqu’à ce jour reste celle d’ un monde unipolaire dominé exclusivement par les seuls Etats-Unis.
Pour ce qui concerne notre région plus particulièrement, la fameuse Eskudra, ou flotte navale ex-soviétique qui donnait la réplique en termes d’équilibre de présence et de dissuasion à la sixième flotte américaine en Méditerranée, a laissé place uniquement aux Américains qui s’estiment en droit maintenant d’entretenir des aspirations dans un contexte où l’écart sur le plan militaire avec toutes les autres puissances est «irrattrapable» sur le moyen terme et même sur le long terme. Les Etats-Unis n’ont plus besoin maintenant de montrer leurs forces pour intimider. Le message qu’ils voulaient transmettre au reste du monde, y compris pour les pays arabes et surtout les pays arabes qu’ils veulent voir rentrer dans les rangs, est clair.
Le premier se lit à travers le cas irakien qui signifie que se placer hors de l’influence américaine et davantage travailler à contenir celle-ci font courir le risque certain de se poser en ennemi des Etats-Unis et d’en subir les conséquences. Les pays arabes sont ainsi appelés à s’inscrire dans le champ des influences américaines pour mettre leur défense et leurs régimes à l’abri de toute menace.
Le deuxième message est celui de convaincre les pays arabes que leur stabilité dépend de la perception qu’ils ont que leur futur devenir est lié à la nature des relations qu’ils auront avec l’Etat d’Israël et qu’ils doivent renoncer à développer leur potentiel militaire à un niveau où ils risqueraient de remettre en cause le caractère de seule grande puissance militaire que possède Israël dans la région. Alors, cela n’est possible que si les pays arabes s’inscrivent comme partenaires de l’Otan et alliés des Etats-Unis et qu’ils dépendent pour leur armement des seuls Américains ou à la rigueur des membres de l’Alliance transatlantique.
Sur conseil des Israéliens, les Américains n’emploient plus les concepts de monde arabe, car cela renvoie à la guerre israélo arabe et n’emploient également plus le concept de monde musulman ou de monde islamique car cela renvoie à une qualification religieuse de l’affrontement avec l’Etat juif.
Ce serait donc bien pour cette raison que les Américains ont inventé le concept de «Grand Moyen-Orient» et que maintenant, ils lancent l’initiative liée cette fois-ci au monde arabe à recouvrir sous le vocable de Moyen-Orient.
Les Etats-Unis ont toujours besoin que s’exerce quelque part une quelconque menace qui serait qualifiée de mondiale pour justifier le maintien à un haut niveau du format de ses forces armées et légitimer ainsi son rôle hégémonique dans la guerre qu’il appelle mondiale, contre «le camp du mal», étant bien entendu que seuls les Américains définissent les critères de qualification.
Rappelons pour mémoire que c’est le président Reagan qui le premier avait inventé le concept du camp du mal. Ce qui démontre ainsi qu’il y a une continuité dans les visions portées par les présidents américains successifs.
Pour en revenir aux pays arabes, ceux-ci sont contraints aujourd’hui à rechercher la protection américaine contre les Américains eux-mêmes qui la leur garantissent, en échange de leur «compréhension» pour tout ce qu’ils envisagent de faire dans la région, en particulier dans les cas de la Syrie et de l’Iran .
11-03-2007
Sofiane Idjissa
http://www.lanouvellerepublique.com/actualite/lire.php?ida=48579&idc=13&refresh=1
Grandeur et décadence. La grande Amérique n’est plus maîtresse du reste du monde ? Son ensablement en Irak le laisse croire. Cruel destin qui voit le sort des Etats-Unis en Irak dépendre des «pays du camp du Mal». Cruel destin que d’appeler à l’aide les ennemis déclarés sur lesquels pèse la menace américaine d’interventions militaires. Quel dessein pour l’Irak ? Ou plutôt quel enjeu pour les Irakiens? Ou plutôt, quel projet américain pour toute la région, y compris donc l’Irak ?
S’il apparaît une contradiction dramatique pour le retour de la paix en Irak du constat que les Etats-Unis n’ont pas révisé leurs positions à l’égard de la Syrie et de l’Iran, considérés pourtant comme pièces maîtresses dans une sortie américaine du bourbier irakien, pourquoi alors les Américains pourraient-ils s’attendre à ce que ces pays coopèrent ? Les Etats-Unis ont presque perdu leur statut de «gouvernement» du monde en ne parvenant pas à pacifier l’Irak.
Lorsque se développent des reproches à l’encontre des Etats-Unis, il est souvent reproché à ce pays d’agir en puissance plus que dominante, de profiter de son écrasante supériorité militaire pour poursuivre des objectifs d’hégémonie sur le monde, et il lui serait presque demandé de descendre de son piédestal et de se comporter comme le plus petit pays du monde avec cependant la conviction que la grande Amérique continuera toujours à n’écouter que ses propres intérêts.
Nous savons tous très bien que même à l’échelle du quartier, il y toujours la recherche de la domination d’un élément sur le groupe. Pourquoi cela ne serait-il pas valable à l’échelle du monde ?
Dans l’histoire telle qu’elle est racontée, a-t-il seulement existé dans les quatre contrées du monde un seul pays qui, se sachant le plus puissant, le plus grand, en mesure de dominer et de tirer des dividendes des moyens de force à sa disposition, qui renoncerait réellement au rang qu’il pourrait acquérir sans faillir, sans scrupule même au regard des moyens utilisés, car lui revenant en vertu du droit du plus fort sur la scène internationale ?
Sans nul doute que tout pays pouvant se trouver dans la position américaine d’hyper-puissance cèdera fatalement à la tentation de l’unilatéralisme, à l’instrumentation de la puissance pour redéfinir les relations internationales, à pratiquer la diplomatie de la coercition, à faire évoluer ses principes en fonction de ses intérêts, à disposer d’une doctrine militaire qui lui permettra de concevoir le format de ses forces en adaptation au rôle mondial qu’il entend jouer.
Israël déjà qui se sait superpuissance dans la région et qui sait également que les Etats-Unis lui garantiront toujours une supériorité opérationnelle et technologique sur tous ses voisins arabes ne rate jamais l’occasion de se comporter en puissance militaire hégémoniquement dominante au point de dicter leur conduite, même, ou plutôt surtout, par le biais de ses protecteurs américains, à tous les régimes environnants.
Le monde donc tel qu’il se dessine pour le moment tend à son unipolarisation, à savoir que l’hyper-puissance américaine demeure sans adversaire de taille capable de tenter d’endiguer son influence.
Les pays qui sont des puissances régionales et qui pensent parvenir à avoir une vocation mondiale voient, bien sûr, en les Etats-Unis un obstacle sérieux devant l’application de leur vision d’un monde qu’ils souhaiteraient multipolaire afin qu’ils puissent dès maintenant avoir une place active dans la régulation des relations internationales.
Cependant, même si les intentions sont celles de parvenir à émerger en dehors de l’influence américaine, la certitude est grande qu’il ne faudrait pas trop apparaître comme aspirant à évoluer à l’avenir en concurrent ou adversaire des Etats-Unis.
Aussi, faudrait-il à ces pays un peu trop rêveurs ou qui versent dans des illusions de puissance enclines à vouloir dominer le monde, tenir compte de la réalité du terrain, c’est-à-dire des rapports de force, et admettre pour un bon moment encore que le monde sera américain et seule la reconnaissance de cette importante donnée permettra de comprendre pourquoi les Etats-Unis bougent tellement et dans quel sens ils se mettent en mouvement.
Toute la politique de redéploiement des Etats Unis dans le monde, à la fois par la diplomatie et par les forces armées, intègre l’idée centrale qu’il faudrait occuper le terrain, étendre leur influence, tenter de créer les conditions de son irréversibilité, implanter dans toutes les régions du monde des pôles régionaux, bien sûr, pro-Américains, ou des puissances régionales acceptant de s’intégrer comme sous-traitants dans une architecture de sécurité définie bien évidemment par eux. Ce sont autant d’objectifs qui ont servi à fonder la vision américaine du monde et dont la mise en œuvre est confiée aux moyens de la diplomatie coercitive.
La cartographie des influences est bien sûr à dessiner bien avant le retour de la Russie au niveau de la puissance militaire qu’avait l’ancienne Union soviétique, avant également l’achèvement de la montée en puissance de la Chine et éventuellement l’évolution de l’Union européenne vers sa constitution en «Etats-Unis d’Europe».
Depuis 1991 avec l’implosion de l’URSS et la dissolution des forces du pacte de Varsovie, la situation qui en avait résultée et qui demeure validée jusqu’à ce jour reste celle d’ un monde unipolaire dominé exclusivement par les seuls Etats-Unis.
Pour ce qui concerne notre région plus particulièrement, la fameuse Eskudra, ou flotte navale ex-soviétique qui donnait la réplique en termes d’équilibre de présence et de dissuasion à la sixième flotte américaine en Méditerranée, a laissé place uniquement aux Américains qui s’estiment en droit maintenant d’entretenir des aspirations dans un contexte où l’écart sur le plan militaire avec toutes les autres puissances est «irrattrapable» sur le moyen terme et même sur le long terme. Les Etats-Unis n’ont plus besoin maintenant de montrer leurs forces pour intimider. Le message qu’ils voulaient transmettre au reste du monde, y compris pour les pays arabes et surtout les pays arabes qu’ils veulent voir rentrer dans les rangs, est clair.
Le premier se lit à travers le cas irakien qui signifie que se placer hors de l’influence américaine et davantage travailler à contenir celle-ci font courir le risque certain de se poser en ennemi des Etats-Unis et d’en subir les conséquences. Les pays arabes sont ainsi appelés à s’inscrire dans le champ des influences américaines pour mettre leur défense et leurs régimes à l’abri de toute menace.
Le deuxième message est celui de convaincre les pays arabes que leur stabilité dépend de la perception qu’ils ont que leur futur devenir est lié à la nature des relations qu’ils auront avec l’Etat d’Israël et qu’ils doivent renoncer à développer leur potentiel militaire à un niveau où ils risqueraient de remettre en cause le caractère de seule grande puissance militaire que possède Israël dans la région. Alors, cela n’est possible que si les pays arabes s’inscrivent comme partenaires de l’Otan et alliés des Etats-Unis et qu’ils dépendent pour leur armement des seuls Américains ou à la rigueur des membres de l’Alliance transatlantique.
Sur conseil des Israéliens, les Américains n’emploient plus les concepts de monde arabe, car cela renvoie à la guerre israélo arabe et n’emploient également plus le concept de monde musulman ou de monde islamique car cela renvoie à une qualification religieuse de l’affrontement avec l’Etat juif.
Ce serait donc bien pour cette raison que les Américains ont inventé le concept de «Grand Moyen-Orient» et que maintenant, ils lancent l’initiative liée cette fois-ci au monde arabe à recouvrir sous le vocable de Moyen-Orient.
Les Etats-Unis ont toujours besoin que s’exerce quelque part une quelconque menace qui serait qualifiée de mondiale pour justifier le maintien à un haut niveau du format de ses forces armées et légitimer ainsi son rôle hégémonique dans la guerre qu’il appelle mondiale, contre «le camp du mal», étant bien entendu que seuls les Américains définissent les critères de qualification.
Rappelons pour mémoire que c’est le président Reagan qui le premier avait inventé le concept du camp du mal. Ce qui démontre ainsi qu’il y a une continuité dans les visions portées par les présidents américains successifs.
Pour en revenir aux pays arabes, ceux-ci sont contraints aujourd’hui à rechercher la protection américaine contre les Américains eux-mêmes qui la leur garantissent, en échange de leur «compréhension» pour tout ce qu’ils envisagent de faire dans la région, en particulier dans les cas de la Syrie et de l’Iran .
11-03-2007
Sofiane Idjissa
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