Chavez ne s’arrête pas à la RCTV
Après l’arrêt forcé de Radio Caracas Television (RCTV), la dernière chaîne nationale d’opposition, le président réprime les manifestations pacifiques à l’aide de la garde nationale. En même temps Hugo Chavez poursuit sa croisade contre les télévisions. Les prochaines sur la liste présidentielle : Globovision et la CNN.
«Nous n’avons pas peur», ont répondu en chœur des centaines d’étudiants aux forces de l’ordre lundi soir, à Caracas. Au début de la journée, ils s’étaient rassemblés dans un quartier à l’est de la capitale. Rejoint par des journalistes et des habitants les étudiants avaient ensuite manifesté pacifiquement contre la disparition forcée de la dernière chaîne nationale d’opposition, Radio Caracas Television (RCTV). Mais dans l’après-midi, des agents de la police métropolitaine avaient dispersé la foule en tirant des balles en caoutchouc et du gaz lacrymogène. Les affrontements violents qui avaient suivi, ont fait au moins dix blessés parmi les manifestants.
L’action musclée des forces de l’ordre a été nécessaire estime le commissaire Armando Soto, parce qu’«un groupe de manifestants violents a commencé à lancer des pierres et des bouteilles».
Ana Yépez, porte-parole des professeurs universitaires à Caracas et témoin des affrontements, a une toute autre lecture des événements. Selon elle, les unités de police seraient rentées sur le terrain de plusieurs universités pour réprimer le mouvement protestataire. «La manifestation a été tout à fait pacifique. Mais les forces de l’ordre ont lancé des tirs de gaz lacrymogène et de menuise».
Même son de cloche chez Leopoldo Lopez, maire de Caracas et dirigeant du parti d’opposition Un Nouveau Temps : «Il s’agissait de la première manifestation massive d’étudiants au Venezuela depuis plus de huit ans. Le gouvernement ferme les chaînes critiques car il ne veut pas qu’on voit ces choses».
Après 54 ans d’existence, Radio Caracas Television avait en effet cessé d’émettre dimanche à minuit. Le gouvernement vénézuélien lui avait refusé de renouveler sa licence. Ainsi, Hugo Chavez a écarté la dernière chaîne nationale qui avait osé de s’opposer à son régime. La fréquence de la RCTV avait d’ailleurs immédiatement été récupérée par une nouvelle chaîne d’Etat, «socialiste» celle-ci : la TVES diffuse depuis lundi matin des chansons à la gloire de M. Chavez. Ses programmes sont régulièrement entrecoupés de spots gouvernementaux au slogan «aujourd'hui le Venezuela appartient à tout le monde».
Inquiétude et malaise
La disparition de Radio Caracas Television a suscité un véritable tollé au sein de la population vénézuélienne, profondément divisée entre partisans et adversaires du président. Les manifestations ont eu lieu non seulement dans la capitale, mais aussi à Valencia, situé à une centaine de kilomètres au sud-ouest de Caracas, ainsi que à San Cristobal, 650 km plus loin. Tous ont acclamé leur attachement aux valeurs démocratiques et dénoncé les dérives du pouvoir présidentiel.
Chavez est porté par «la volonté mégalomaniaque d’instaurer une dictature totalitaire», a lancé Marcel Granier, le président de RCTV. Mais la critique la plus virulente a probablement été prononcée par l’un des archevêques vénézuéliens, Mgr Baltasar Porras Cardoso, qui, en fustigeant le «sectarisme» du chef d’Etat, n’a pas hésité à comparer M. Chavez à Hitler, Mussolini et Castro.
A l’étranger aussi, l’inquiétude et un certain malaise ont été perceptibles concernant la disparition de la plus grande télévision d’opposition des fréquences hertziennes.
La présidence allemande de l'Union européenne a rappelé dans un communiqué que «la liberté de parole et la liberté de presse sont des éléments essentiels de la démocratie. L'Union européenne attend du Venezuela qu'il protège ces libertés et soutienne le pluralisme dans la diffusion des informations».
«La liberté d'expression est la règle d'or», a également déclaré la présidente du Chili, Michelle Bachelet, lors d’une visite officielle à Helsinki. Son homologue finlandaise, Tarja Halonen a, quant à elle, appelé la communauté internationale d’être «ferme et encourageante à la fois» avec le pouvoir vénézuélien. Plusieurs organisations internationales de défense des médias ont levé leur voix, dont Reporters sans frontières, qui estime que «Chavez détient une position hégémonique sur les moyens de communication».
Globovision et CNN - les prochains sur la liste
Après l’arrêt de la diffusion de Radio Caracas Television, qualifiée par le chef d’Etat vénézuélien de «menace pour le pays», l’opposition ne dispose plus d’une chaîne de télévision nationale pour faire entendre sa différence avec les positions chavistes.
Et pourtant, cette situation ne semble pas encore satisfaire totalement Hugo Chavez. Dès le lendemain de la disparition des ondes de la RCTV, le président a poursuivi sa croisade en portant plainte contre deux autres chaînes, Globovision et CNN. La volonté d’ouvrir des procédures juridiques à l’encontre de ces deux groupes d’information a été annoncée, lundi, par le ministre de la Communication, William Lara, lors d’une conférence de presse.
Captée seulement dans la capitale ou par le câble, Globovision est le tout dernier bastion télévisé des adversaires d’Hugo Chavez. Le gouvernement lui reproche d’inciter les spectateurs à l’assassinat du chef d’Etat en ayant diffusé des images de l'attentat commis en 1981 contre le pape Jean-Paul II avec en fond musical une chanson de Ruben Blades dont le refrain est «cela ne s'arrête pas là».
A CNN le pouvoir vénézuélien reproche d'avoir diffusé une photo d’Hugo Chavez à côté de celle d'un dirigeant d'al-Qaïda. L'intention sous-jacente serait d'associer le nom d'Hugo Chavez au phénomène terroriste.
Le président ne veut donc pas s’arrêter à Radio Caracas Television ; mais les manifestants non plus : ce mardi, les étudiants ont repris leur mouvement de protestation contre la disparition de la chaîne en érigeant des barrages sur des voies rapides autour de la capitale. En effet, l’accès aux universités était quelque peu difficile, des patrouilles de police surveillaient les entrées des principaux campus de Caracas.
par Stefanie Schüler
http://www.rfi.fr/actufr/articles/089/article_52242.asp
Après l’arrêt forcé de Radio Caracas Television (RCTV), la dernière chaîne nationale d’opposition, le président réprime les manifestations pacifiques à l’aide de la garde nationale. En même temps Hugo Chavez poursuit sa croisade contre les télévisions. Les prochaines sur la liste présidentielle : Globovision et la CNN.
«Nous n’avons pas peur», ont répondu en chœur des centaines d’étudiants aux forces de l’ordre lundi soir, à Caracas. Au début de la journée, ils s’étaient rassemblés dans un quartier à l’est de la capitale. Rejoint par des journalistes et des habitants les étudiants avaient ensuite manifesté pacifiquement contre la disparition forcée de la dernière chaîne nationale d’opposition, Radio Caracas Television (RCTV). Mais dans l’après-midi, des agents de la police métropolitaine avaient dispersé la foule en tirant des balles en caoutchouc et du gaz lacrymogène. Les affrontements violents qui avaient suivi, ont fait au moins dix blessés parmi les manifestants.
L’action musclée des forces de l’ordre a été nécessaire estime le commissaire Armando Soto, parce qu’«un groupe de manifestants violents a commencé à lancer des pierres et des bouteilles».
Ana Yépez, porte-parole des professeurs universitaires à Caracas et témoin des affrontements, a une toute autre lecture des événements. Selon elle, les unités de police seraient rentées sur le terrain de plusieurs universités pour réprimer le mouvement protestataire. «La manifestation a été tout à fait pacifique. Mais les forces de l’ordre ont lancé des tirs de gaz lacrymogène et de menuise».
Même son de cloche chez Leopoldo Lopez, maire de Caracas et dirigeant du parti d’opposition Un Nouveau Temps : «Il s’agissait de la première manifestation massive d’étudiants au Venezuela depuis plus de huit ans. Le gouvernement ferme les chaînes critiques car il ne veut pas qu’on voit ces choses».
Après 54 ans d’existence, Radio Caracas Television avait en effet cessé d’émettre dimanche à minuit. Le gouvernement vénézuélien lui avait refusé de renouveler sa licence. Ainsi, Hugo Chavez a écarté la dernière chaîne nationale qui avait osé de s’opposer à son régime. La fréquence de la RCTV avait d’ailleurs immédiatement été récupérée par une nouvelle chaîne d’Etat, «socialiste» celle-ci : la TVES diffuse depuis lundi matin des chansons à la gloire de M. Chavez. Ses programmes sont régulièrement entrecoupés de spots gouvernementaux au slogan «aujourd'hui le Venezuela appartient à tout le monde».
Inquiétude et malaise
La disparition de Radio Caracas Television a suscité un véritable tollé au sein de la population vénézuélienne, profondément divisée entre partisans et adversaires du président. Les manifestations ont eu lieu non seulement dans la capitale, mais aussi à Valencia, situé à une centaine de kilomètres au sud-ouest de Caracas, ainsi que à San Cristobal, 650 km plus loin. Tous ont acclamé leur attachement aux valeurs démocratiques et dénoncé les dérives du pouvoir présidentiel.
Chavez est porté par «la volonté mégalomaniaque d’instaurer une dictature totalitaire», a lancé Marcel Granier, le président de RCTV. Mais la critique la plus virulente a probablement été prononcée par l’un des archevêques vénézuéliens, Mgr Baltasar Porras Cardoso, qui, en fustigeant le «sectarisme» du chef d’Etat, n’a pas hésité à comparer M. Chavez à Hitler, Mussolini et Castro.
A l’étranger aussi, l’inquiétude et un certain malaise ont été perceptibles concernant la disparition de la plus grande télévision d’opposition des fréquences hertziennes.
La présidence allemande de l'Union européenne a rappelé dans un communiqué que «la liberté de parole et la liberté de presse sont des éléments essentiels de la démocratie. L'Union européenne attend du Venezuela qu'il protège ces libertés et soutienne le pluralisme dans la diffusion des informations».
«La liberté d'expression est la règle d'or», a également déclaré la présidente du Chili, Michelle Bachelet, lors d’une visite officielle à Helsinki. Son homologue finlandaise, Tarja Halonen a, quant à elle, appelé la communauté internationale d’être «ferme et encourageante à la fois» avec le pouvoir vénézuélien. Plusieurs organisations internationales de défense des médias ont levé leur voix, dont Reporters sans frontières, qui estime que «Chavez détient une position hégémonique sur les moyens de communication».
Globovision et CNN - les prochains sur la liste
Après l’arrêt de la diffusion de Radio Caracas Television, qualifiée par le chef d’Etat vénézuélien de «menace pour le pays», l’opposition ne dispose plus d’une chaîne de télévision nationale pour faire entendre sa différence avec les positions chavistes.
Et pourtant, cette situation ne semble pas encore satisfaire totalement Hugo Chavez. Dès le lendemain de la disparition des ondes de la RCTV, le président a poursuivi sa croisade en portant plainte contre deux autres chaînes, Globovision et CNN. La volonté d’ouvrir des procédures juridiques à l’encontre de ces deux groupes d’information a été annoncée, lundi, par le ministre de la Communication, William Lara, lors d’une conférence de presse.
Captée seulement dans la capitale ou par le câble, Globovision est le tout dernier bastion télévisé des adversaires d’Hugo Chavez. Le gouvernement lui reproche d’inciter les spectateurs à l’assassinat du chef d’Etat en ayant diffusé des images de l'attentat commis en 1981 contre le pape Jean-Paul II avec en fond musical une chanson de Ruben Blades dont le refrain est «cela ne s'arrête pas là».
A CNN le pouvoir vénézuélien reproche d'avoir diffusé une photo d’Hugo Chavez à côté de celle d'un dirigeant d'al-Qaïda. L'intention sous-jacente serait d'associer le nom d'Hugo Chavez au phénomène terroriste.
Le président ne veut donc pas s’arrêter à Radio Caracas Television ; mais les manifestants non plus : ce mardi, les étudiants ont repris leur mouvement de protestation contre la disparition de la chaîne en érigeant des barrages sur des voies rapides autour de la capitale. En effet, l’accès aux universités était quelque peu difficile, des patrouilles de police surveillaient les entrées des principaux campus de Caracas.
par Stefanie Schüler
http://www.rfi.fr/actufr/articles/089/article_52242.asp