Mutilations en Europe
L’excision des femmes ne se pratique pas dans tous les pays d’Afrique. Mais là où c’est la tradition, comme en Somalie, il est difficile de s’y opposer. Les Africains émigrés conservent ce rituel. C’est pourquoi les jeunes filles africaines qui vivent en Europe ne sont nullement à l’abri.
Avec la loi du 4 avril 2006, la France est l’un des pays européens les plus avancés, aux côtés de l’Angleterre, dans la lutte contre les mutilations génitales féminines (MGF) sur le plan législatif. Mais on est encore loin d’une harmonisation entre tous les pays de l’Union.
France
Bien que l’excision soit interdite en France depuis 1979, des mutilations clandestines continuent à s’y pratiquer. En France, de nombreux parents contournaient l’interdiction en faisant exciser leurs filles en Afrique, pendant les vacances. Jusqu’à présent, les ressortissants étrangers ne pouvaient être poursuivis en justice en France pour délit d’excision. Depuis 2006, toutes les personnes qui résident en France et font exciser leurs filles – que ce soit en France ou à l’étranger – sont passibles d’une peine.
Ce qui a un effet tout aussi dissuasif, c’est de savoir que la loi française sera appliquée avec rigueur : lors des 35 procès qui se sont déjà déroulés, plus de 100 parents ont été inculpés et des jugements sévères prononcés. Plusieurs pères ont été condamnés à des peines allant jusqu’à un an de prison. En 1999, Hawa Gréou a été condamnée à 8 ans de détention au terme d’un procès spectaculaire. Cette femme de 60 ans, originaire du Mali, a mutilé des centaines, voire des milliers de bébés. Elle est de nouveau en liberté et se trouve précisément dans le cabinet de l’avocate qui l’avait envoyée en prison - les deux femmes ont l’intention de publier un livre en collaboration. Pendant toutes ces années passées en prison, Hawa a remis en question sa pratique d’exciseuse. Aujourd’hui, elle sait que le Coran n’exige pas l’excision des petites filles. Mais de nombreux musulmans sont convaincus que l’islam la prescrit.
Par ailleurs, les médecins, infirmières et sage-femmes ont l’obligation de déclarer les mutilations génitales qu’ils constatent. Une mesure rigoureuse qui vise à empêcher la poursuite des excisions clandestines. Dans aucun autre pays, il n’existe un tel dispositif de surveillance. Heureusement, ces mesures répressives ne sont que rarement nécessaires. Souvent, ce sont les parents qui demandent de l’aide pour résister aux pressions de leur famille en Afrique.
Allemagne
L’ONG "Terre des Femmes" estime que 20 000 femmes environ sont concernées en Allemagne. Elle réclame que l’excision y constitue un délit en soi. Pour l’instant, les seules lois qui s’appliquent sont celles sur les coups et blessures. Mais lorsque des parents font exciser leur fille à l’étranger, ils ne peuvent être poursuivis en justice. Dans un seul cas, on a interdit à des parents africains de quitter le pays avec leur fille, afin d’empêcher l’excision de celle-ci. D’une manière générale, on préfère faire un travail pédagogique. Pour les femmes de l’association berlinoise "Mama Africa", l’information est encore plus importante que la répression pénale. La germano-somalienne Jawahir Cumar estime qu’il s’agit là d’une priorité absolue. Lors de ses visites dans les écoles, elle rencontre une très grande ignorance: "Beaucoup d’Africains ne savent pas du tout que l’excision est interdite en Allemagne. Certaines familles se réunissent pour faire venir une exciseuse par avion, et elle le fait au domicile de l’une des familles."
Grande-Bretagne
Layla Mohamed, 21 ans, est née à Liverpool. Comme l’excision des femmes est interdite en Angleterre, ses parents l’ont fait exciser en Afrique pendant les vacances d’été. Layla avait 6 ans. En Grande-Bretagne, il existe une loi contre les mutilations génitales, qui a été durcie en 2004. L’excision de toute personne vivant dans le pays y est interdite, même si elle est effectuée à l’étranger. Layla pourrait donc porter plainte contre ses parents. Mais jamais elle n’irait jusque-là: "Je n’en veux pas vraiment à ma mère. Je sais qu’elle a été élevée comme ça et qu’elle était persuadée que c’était pour mon bien".
Malgré l’interdiction, les tribunaux britanniques n’ont encore jamais infligé de peine pour le délit d’excision. En Grande-Bretagne, les structures d’aide sont très nombreuses. Il existe même des cliniques spécialisées dans l’accueil des patientes africaines. De lourdes peines sont prévues par la loi, mais la police ne sévit pas : la tolérance britannique vis-à-vis des cultures différentes est un obstacle dans la lutte contre l’excision. La grande ONG "Forward" ne sait même pas si le nombre des excisions clandestines a véritablement diminué en Angleterre. Le directeur de l'association, Adwoa Kluvitse n'est pas sûre que la loi contre les mutilations soit connue dans les banlieues noires: "Ce matin, j’ai animé un séminaire destiné à des professionnels. Sur neuf participants, quatre ignoraient l’existence d’une telle loi. Il est probable que dans les communautés africaines qui ne sont pas bien intégrées, on n’a jamais entendu parler de cette interdiction. Beaucoup de jeunes filles nous ont dit qu’elles avaient été excisées en Afrique. Et ce ne sont pas des cas isolés".
En associant une répression sévère à un dispositif d’aides, la méthode française est plus efficace. Pour pouvoir atteindre les femmes concernées, les professionnels municipaux de la santé sont formés par des membres du GAMS – une ONG qui emploie aussi des Africaines. Aujourd’hui en France, l’excision n’a pas été totalement éradiquée, mais elle est en net recul. Les organisations de femmes ont obtenu une autre victoire : en France, en Allemagne et en Angleterre, la menace d’excision suffit à justifier une demande d’asile.
http://www.arte.tv/fr/histoire-societe/excision/1467688.html
L’excision des femmes ne se pratique pas dans tous les pays d’Afrique. Mais là où c’est la tradition, comme en Somalie, il est difficile de s’y opposer. Les Africains émigrés conservent ce rituel. C’est pourquoi les jeunes filles africaines qui vivent en Europe ne sont nullement à l’abri.
Avec la loi du 4 avril 2006, la France est l’un des pays européens les plus avancés, aux côtés de l’Angleterre, dans la lutte contre les mutilations génitales féminines (MGF) sur le plan législatif. Mais on est encore loin d’une harmonisation entre tous les pays de l’Union.
France
Bien que l’excision soit interdite en France depuis 1979, des mutilations clandestines continuent à s’y pratiquer. En France, de nombreux parents contournaient l’interdiction en faisant exciser leurs filles en Afrique, pendant les vacances. Jusqu’à présent, les ressortissants étrangers ne pouvaient être poursuivis en justice en France pour délit d’excision. Depuis 2006, toutes les personnes qui résident en France et font exciser leurs filles – que ce soit en France ou à l’étranger – sont passibles d’une peine.
Ce qui a un effet tout aussi dissuasif, c’est de savoir que la loi française sera appliquée avec rigueur : lors des 35 procès qui se sont déjà déroulés, plus de 100 parents ont été inculpés et des jugements sévères prononcés. Plusieurs pères ont été condamnés à des peines allant jusqu’à un an de prison. En 1999, Hawa Gréou a été condamnée à 8 ans de détention au terme d’un procès spectaculaire. Cette femme de 60 ans, originaire du Mali, a mutilé des centaines, voire des milliers de bébés. Elle est de nouveau en liberté et se trouve précisément dans le cabinet de l’avocate qui l’avait envoyée en prison - les deux femmes ont l’intention de publier un livre en collaboration. Pendant toutes ces années passées en prison, Hawa a remis en question sa pratique d’exciseuse. Aujourd’hui, elle sait que le Coran n’exige pas l’excision des petites filles. Mais de nombreux musulmans sont convaincus que l’islam la prescrit.
Par ailleurs, les médecins, infirmières et sage-femmes ont l’obligation de déclarer les mutilations génitales qu’ils constatent. Une mesure rigoureuse qui vise à empêcher la poursuite des excisions clandestines. Dans aucun autre pays, il n’existe un tel dispositif de surveillance. Heureusement, ces mesures répressives ne sont que rarement nécessaires. Souvent, ce sont les parents qui demandent de l’aide pour résister aux pressions de leur famille en Afrique.
Allemagne
L’ONG "Terre des Femmes" estime que 20 000 femmes environ sont concernées en Allemagne. Elle réclame que l’excision y constitue un délit en soi. Pour l’instant, les seules lois qui s’appliquent sont celles sur les coups et blessures. Mais lorsque des parents font exciser leur fille à l’étranger, ils ne peuvent être poursuivis en justice. Dans un seul cas, on a interdit à des parents africains de quitter le pays avec leur fille, afin d’empêcher l’excision de celle-ci. D’une manière générale, on préfère faire un travail pédagogique. Pour les femmes de l’association berlinoise "Mama Africa", l’information est encore plus importante que la répression pénale. La germano-somalienne Jawahir Cumar estime qu’il s’agit là d’une priorité absolue. Lors de ses visites dans les écoles, elle rencontre une très grande ignorance: "Beaucoup d’Africains ne savent pas du tout que l’excision est interdite en Allemagne. Certaines familles se réunissent pour faire venir une exciseuse par avion, et elle le fait au domicile de l’une des familles."
Grande-Bretagne
Layla Mohamed, 21 ans, est née à Liverpool. Comme l’excision des femmes est interdite en Angleterre, ses parents l’ont fait exciser en Afrique pendant les vacances d’été. Layla avait 6 ans. En Grande-Bretagne, il existe une loi contre les mutilations génitales, qui a été durcie en 2004. L’excision de toute personne vivant dans le pays y est interdite, même si elle est effectuée à l’étranger. Layla pourrait donc porter plainte contre ses parents. Mais jamais elle n’irait jusque-là: "Je n’en veux pas vraiment à ma mère. Je sais qu’elle a été élevée comme ça et qu’elle était persuadée que c’était pour mon bien".
Malgré l’interdiction, les tribunaux britanniques n’ont encore jamais infligé de peine pour le délit d’excision. En Grande-Bretagne, les structures d’aide sont très nombreuses. Il existe même des cliniques spécialisées dans l’accueil des patientes africaines. De lourdes peines sont prévues par la loi, mais la police ne sévit pas : la tolérance britannique vis-à-vis des cultures différentes est un obstacle dans la lutte contre l’excision. La grande ONG "Forward" ne sait même pas si le nombre des excisions clandestines a véritablement diminué en Angleterre. Le directeur de l'association, Adwoa Kluvitse n'est pas sûre que la loi contre les mutilations soit connue dans les banlieues noires: "Ce matin, j’ai animé un séminaire destiné à des professionnels. Sur neuf participants, quatre ignoraient l’existence d’une telle loi. Il est probable que dans les communautés africaines qui ne sont pas bien intégrées, on n’a jamais entendu parler de cette interdiction. Beaucoup de jeunes filles nous ont dit qu’elles avaient été excisées en Afrique. Et ce ne sont pas des cas isolés".
En associant une répression sévère à un dispositif d’aides, la méthode française est plus efficace. Pour pouvoir atteindre les femmes concernées, les professionnels municipaux de la santé sont formés par des membres du GAMS – une ONG qui emploie aussi des Africaines. Aujourd’hui en France, l’excision n’a pas été totalement éradiquée, mais elle est en net recul. Les organisations de femmes ont obtenu une autre victoire : en France, en Allemagne et en Angleterre, la menace d’excision suffit à justifier une demande d’asile.
http://www.arte.tv/fr/histoire-societe/excision/1467688.html