J'ouvre ici un fil pour continuer une discussion qui a commencé dans 'Des psychologues ou des oiseaux'.
https://alter-mrax.actifforum.com/Actualite-c1/Monde-f3/Des-psychologues-ou-des-oiseaux-t1231.htm
Ceci pour clarifier les sujets, parce qu'on dérive en peu...
Voilà donc, puisqu'on me cherche (Tom et MP) sur la question des prisons et de la délinquance...
Prison et criminalité :
La théorie et le sens commun c'est bien... mais ce n'est pas suffisant.
En prison, les gens qui ont tué sont absolument minoritaires. La plupart des gens qui sont en prison le sont pour des faits de larcins, de vol avec ou sans violence, de braquage, et une majorité d'entres eux s'y trouve pour des délits lié à l'addiction à des drogues et/ou à la mise en place d'économies parallèles leur donnant accès à une consommation dont ils seraient exclus sinon. Et ce, bien souvent, parce qu'ils ne disposent pas des ressources et des structures éducatives (familiales et institutionnelles) qui devrait leur donner un espoir dans le "consensus social".
Pour cette écrasante majorité de taulards, la prison est une véritable école du crime, un lieu de ruptre toujours plus grande avec le "consensus social" qui fait que plus on va en prison, plus on y reste, plus on devient criminel, plus on y revient. C'est une spirale infernale qui est très connue du personnel pénitentiaire.
Il n'y a pas que le contact avec d'autres délinquants, il n'y a pas que cette soi-disant sous-culture ou contre-culture que l'on trouve concentrée en prison qui joue un rôle dans ce processus. Il y a surtout l'impossibilité structurelle pour le système pénitentiaire de marier efficacement ses deux missions qui sont sa composante sécuritaire et sa composante de réinsertion sociale. Les surveillants de prison qui ont la charge d'assumer ces deux missions n'ont pas le temps de faire autre chose que de gérer les flux, les déplacements comme ils disent, et l'entretien des fonctions primaires des détenus. Les règlements d'ordre intérieur, qui ne tiennent absolument pas compte du vécu et des savoirs pratiques des surveillants de prison, vont à l'encontre d'une telle mission de réinsertion. Les surveillants le déplorent, mais il leur est impossible de consacrer le temps nécessaire à cette mission. Il y a des intervenants extérieurs qui suppléent tant bien que mal. Mais leur présence en prison génère plus de flux, plus de travail pour les surveillants déjà surchargés. Et donc ils sont un vecteur supplémentaire des mauvaises conditions de détention.
Reste le fait même d'être extrait des relations sociales normales qui existent dehors. Cela est contradictoire avec l'idée de réinsertion sociale. Il n'est pas possible dans un modèle basé sur la coercition, le paternalisme et la privation des libertés et des responsabilités, de vouloir donner aux détenus les clés d'une réinsertion réussie. La contrainte sur le corps et sur l'esprit qui est exercée en prison où des personnes sont enfermées dans 9m² pendant 23 heures par jours, détruit la sociabilité, engendre la rage, la colère et la dépression.
La prison est par essence un vecteur, un générateur de criminalité et de violence. Tout comme la pénalisation en général. Il est connu que pour un crime donné, plus les peines encourues sont lourdes, plus la violence criminelle est forte. De nombreux phénomènes sont à l'oeuvre dans ce processus. Notamment le fait que si, par exemple, un violeur compulsif sait qu'il risque la prison à vie pour fait de viol, il aura peut-être plus tendance à éliminer physiquement ses victimes pour éviter d'être reconnu. Mais ce n'est qu'un exemple parmi cent.
Prétendre que la prison, ou le risque de la prison, a une portée dissuasive est purement et simplement faux. Il est de notoriété publique, jusque dans les prisons ou les détenus disent "j'ai joué, j'ai perdu", que le risque d'emprisonnement n'est jamais un motif de dissuasion lors de la perpétration de crimes ou de délits.
Je pense donc, contrairement à Tom, qu'il ne s'agit pas d'appeler de ses voeux une société idéale qui pourrait se passer de prison, mais que notre société dans son état actuel gagnerait en sécurité pour l'intégrité physique et morale des citoyens s'il n'y avait pas de prison.
Comme le dit MP, il n'y a effectivement pas d'exemple de société occidentale (comparable à la nôtre) sans prison. Mais il y a dans des domaines proches, des expériences qui ont été menées.
Par exemple en Italie, depuis de nombreuses années il n'y a plus d'enfermement pour raison psychiatrique. Les schizophrènes sont pris en charge dans des structures et des réseaux de sociabilités où la surveillance est exclue au profit de la responsabilisation. Et cela fonctionne, bien qu'il y ait des écueils, beaucoup mieux que la psychiatrisation.
Une autre expérience est celle faite en Corse où des délinquants sexuels vivent en collectivité dans un milieu ouvert et où ils apprennent les métiers de la terre sur des fermages mi-privé mi-publique. Il y a encore là-bas des résidus de prison évidement, puisqu'ils ne sont pas libre de quitter la structure sous peine de retourner en régime normal. Mais il vaut la peine d'aller jeter un coup d'oeil sur ceux qui sortent de là : une récidive contre huit sur dix au sortir du régime normal !
Alors il ne s'agit pas de tuer en prison ou pas... comme le suggère MP. En prison ce ne sont pas les prisonniers qui tuent, c'est la prison elle-même. Suicides, refus de soins, soins mal appropriés etc.
Le tout est de comprendre que la prison fabrique du crime, plus que pas de prison. La question de l'évolution de la criminalité n'est pas facile à traiter, parce qu'en même temps que la pénalisation devient plus forte, il y a aussi une augmentation de l'activité policière qui décèle plus de délits et de crimes (ou qui en génère plus, c'est selon). Donc difficile de faire une relation immédiate entre l'augmentation du crime et l'augmentation de la répression. Mais sur la population carcérale, l'effet est limpide.
Alors quoi? On enferme les drogués à vie? Et pourquoi pas simplement les éliminer physiquement alors?
Pour moi cette logique est simplement, n'en déplaise à Tom, fasciste.
Si l'objectif est de réduire la violence et le crime dans la société, il faut en finir avec les prisons et trouver autre chose pour traiter le cas des délinquants et des criminels. Si le but est de punir et de se venger ou de donner l'impression qu'on fait quelque chose pour la sécurité, alors que la seule chose qu'on fait c'est produire de la criminalité, alors les prisons sont parfaitement bienvenues. C'est une question de choix de société. C'est aussi de cela que je parlais quand par ailleurs j'évoquais le statut quo (j'essayerai de retrouver le lien).
Le sens commun et les implications supposées sans aucune analyse fine, jamais n'apporteront de solution aux problèmes sociétaux. Ce n'est pas parce qu'il parait que... que c'est comme ça que les choses se passent.
Je suis désolé de le dire comme ça, MP et Tom, vous savez qu'il n'y a pas une once d'irrespect dans mon propos, mais la linéarité des implications causales que vous proposez, m'agace.
https://alter-mrax.actifforum.com/Actualite-c1/Monde-f3/Des-psychologues-ou-des-oiseaux-t1231.htm
Ceci pour clarifier les sujets, parce qu'on dérive en peu...
Voilà donc, puisqu'on me cherche (Tom et MP) sur la question des prisons et de la délinquance...
Prison et criminalité :
La théorie et le sens commun c'est bien... mais ce n'est pas suffisant.
En prison, les gens qui ont tué sont absolument minoritaires. La plupart des gens qui sont en prison le sont pour des faits de larcins, de vol avec ou sans violence, de braquage, et une majorité d'entres eux s'y trouve pour des délits lié à l'addiction à des drogues et/ou à la mise en place d'économies parallèles leur donnant accès à une consommation dont ils seraient exclus sinon. Et ce, bien souvent, parce qu'ils ne disposent pas des ressources et des structures éducatives (familiales et institutionnelles) qui devrait leur donner un espoir dans le "consensus social".
Pour cette écrasante majorité de taulards, la prison est une véritable école du crime, un lieu de ruptre toujours plus grande avec le "consensus social" qui fait que plus on va en prison, plus on y reste, plus on devient criminel, plus on y revient. C'est une spirale infernale qui est très connue du personnel pénitentiaire.
Il n'y a pas que le contact avec d'autres délinquants, il n'y a pas que cette soi-disant sous-culture ou contre-culture que l'on trouve concentrée en prison qui joue un rôle dans ce processus. Il y a surtout l'impossibilité structurelle pour le système pénitentiaire de marier efficacement ses deux missions qui sont sa composante sécuritaire et sa composante de réinsertion sociale. Les surveillants de prison qui ont la charge d'assumer ces deux missions n'ont pas le temps de faire autre chose que de gérer les flux, les déplacements comme ils disent, et l'entretien des fonctions primaires des détenus. Les règlements d'ordre intérieur, qui ne tiennent absolument pas compte du vécu et des savoirs pratiques des surveillants de prison, vont à l'encontre d'une telle mission de réinsertion. Les surveillants le déplorent, mais il leur est impossible de consacrer le temps nécessaire à cette mission. Il y a des intervenants extérieurs qui suppléent tant bien que mal. Mais leur présence en prison génère plus de flux, plus de travail pour les surveillants déjà surchargés. Et donc ils sont un vecteur supplémentaire des mauvaises conditions de détention.
Reste le fait même d'être extrait des relations sociales normales qui existent dehors. Cela est contradictoire avec l'idée de réinsertion sociale. Il n'est pas possible dans un modèle basé sur la coercition, le paternalisme et la privation des libertés et des responsabilités, de vouloir donner aux détenus les clés d'une réinsertion réussie. La contrainte sur le corps et sur l'esprit qui est exercée en prison où des personnes sont enfermées dans 9m² pendant 23 heures par jours, détruit la sociabilité, engendre la rage, la colère et la dépression.
La prison est par essence un vecteur, un générateur de criminalité et de violence. Tout comme la pénalisation en général. Il est connu que pour un crime donné, plus les peines encourues sont lourdes, plus la violence criminelle est forte. De nombreux phénomènes sont à l'oeuvre dans ce processus. Notamment le fait que si, par exemple, un violeur compulsif sait qu'il risque la prison à vie pour fait de viol, il aura peut-être plus tendance à éliminer physiquement ses victimes pour éviter d'être reconnu. Mais ce n'est qu'un exemple parmi cent.
Prétendre que la prison, ou le risque de la prison, a une portée dissuasive est purement et simplement faux. Il est de notoriété publique, jusque dans les prisons ou les détenus disent "j'ai joué, j'ai perdu", que le risque d'emprisonnement n'est jamais un motif de dissuasion lors de la perpétration de crimes ou de délits.
Je pense donc, contrairement à Tom, qu'il ne s'agit pas d'appeler de ses voeux une société idéale qui pourrait se passer de prison, mais que notre société dans son état actuel gagnerait en sécurité pour l'intégrité physique et morale des citoyens s'il n'y avait pas de prison.
Comme le dit MP, il n'y a effectivement pas d'exemple de société occidentale (comparable à la nôtre) sans prison. Mais il y a dans des domaines proches, des expériences qui ont été menées.
Par exemple en Italie, depuis de nombreuses années il n'y a plus d'enfermement pour raison psychiatrique. Les schizophrènes sont pris en charge dans des structures et des réseaux de sociabilités où la surveillance est exclue au profit de la responsabilisation. Et cela fonctionne, bien qu'il y ait des écueils, beaucoup mieux que la psychiatrisation.
Une autre expérience est celle faite en Corse où des délinquants sexuels vivent en collectivité dans un milieu ouvert et où ils apprennent les métiers de la terre sur des fermages mi-privé mi-publique. Il y a encore là-bas des résidus de prison évidement, puisqu'ils ne sont pas libre de quitter la structure sous peine de retourner en régime normal. Mais il vaut la peine d'aller jeter un coup d'oeil sur ceux qui sortent de là : une récidive contre huit sur dix au sortir du régime normal !
Alors il ne s'agit pas de tuer en prison ou pas... comme le suggère MP. En prison ce ne sont pas les prisonniers qui tuent, c'est la prison elle-même. Suicides, refus de soins, soins mal appropriés etc.
Le tout est de comprendre que la prison fabrique du crime, plus que pas de prison. La question de l'évolution de la criminalité n'est pas facile à traiter, parce qu'en même temps que la pénalisation devient plus forte, il y a aussi une augmentation de l'activité policière qui décèle plus de délits et de crimes (ou qui en génère plus, c'est selon). Donc difficile de faire une relation immédiate entre l'augmentation du crime et l'augmentation de la répression. Mais sur la population carcérale, l'effet est limpide.
Alors quoi? On enferme les drogués à vie? Et pourquoi pas simplement les éliminer physiquement alors?
Pour moi cette logique est simplement, n'en déplaise à Tom, fasciste.
Si l'objectif est de réduire la violence et le crime dans la société, il faut en finir avec les prisons et trouver autre chose pour traiter le cas des délinquants et des criminels. Si le but est de punir et de se venger ou de donner l'impression qu'on fait quelque chose pour la sécurité, alors que la seule chose qu'on fait c'est produire de la criminalité, alors les prisons sont parfaitement bienvenues. C'est une question de choix de société. C'est aussi de cela que je parlais quand par ailleurs j'évoquais le statut quo (j'essayerai de retrouver le lien).
Le sens commun et les implications supposées sans aucune analyse fine, jamais n'apporteront de solution aux problèmes sociétaux. Ce n'est pas parce qu'il parait que... que c'est comme ça que les choses se passent.
Je suis désolé de le dire comme ça, MP et Tom, vous savez qu'il n'y a pas une once d'irrespect dans mon propos, mais la linéarité des implications causales que vous proposez, m'agace.