Une Europe bien désirable ...

A ceux qui s'indignaient vertueusement du barrage établi au Maroc contre les clandestins qui cherchaient à pénétrer en Europe, il est bon de faire connaître la suite de l'histoire.

La filière étant bouchée, les émigrants se sont rabattus sur les Canaries, directement européennes, avec des procédures soigneusement mises au point : on avale ses papiers avant de débarquer, ce qui rend l'extradition immédiate impossible. Prise en charge à 100 %, soins médicaux, mesures humanitaires pour les enfants, tandis que les recherches d'origine se poursuivent laborieusement. L'idéal est de mettre en chantier un bébé qui, avec un peu de chance, aura l'heur de naître en Europe, et d'assurer l'inexpulsion de sa famille ...

Ce système sort de l'anecdotique, puisque 22.000 africains ont ainsi débarqué en territoire espagnol depuis le début de l'année, ce qui devrait en représenter 35.000 en un an.

35.000, c'est déjà la population d'une belle petite ville ! Dont l'immense majorité ne saurait ni lire ni écrire ni assurer ses frais de vie ...

Bien entendu, des programmes ultra onéreux sont lancés par l'U.E. pour favoriser le développement dans les pays d'origine de ces immigrants, de manière à les fixer chez eux.

Mais ceux qui s'insurgeaient contre le controle de nos frontières ont-ils une suggestion réaliste à formuler ?

Peut-être faire un peu de lecture pour alimenter nos réflexions ? :


"La nouvelle Europe migratoire

Marco Martiniello

Labor, Bruxelles, 2001"




Compte-rendu

Marco Martiniello présentait son livre consacré aux politiques européennes de l'immigration. Si aujourd'hui l'Union Européenne cherche vainement, voire vaguement à définir une politique "commune" d'immigration, la situation des immigrés installés depuis longtemps, en tous cas ceux ressortissants des pays tiers demeure problématique. Les arguments traditionnels (économique et démographique) motivant l'appel de main d'œuvre sont de retour dans les discours soulignant la nécessité de cet appel. Si ces arguments étaient valables il y a cinquante ans, ils se heurtent aujourd'hui à une situation différente.

Les flux migratoires se sont complexifiés, accélérés et mondialisés. Gérer cette situation est difficile pour les pays développés économiquement, même si seulement 5% de la population mondiale est migrante, et même si la majorité de ces flux sud/sud - il s'agit, pour Marco Martiniello de penser ces flux, de les organiser, d'avoir une politique proactive. En prenant en compte deux arguments plus récents, un argument humanitaire et un argument réaliste. Le premier réaffirmant le rôle d'asile que doit jouer l'Europe, au-delà du discours sur les droits de l'homme à promouvoir; le second découlant de la faillite des restrictions d'entrée - l'immigration zéro - mise en place depuis trente ans.

Comment réorganiser cette politique proactive? Pour Marco Martiniello, le choix se pose aujourd'hui entre ouverture et fermeture (totale des frontières). La première, moralement défendable est utopique et profiterait surtout aux plus favorisés et aux plus recherchés par les employeurs. La seconde militariserait la politique migratoire et les sociétés qui choisiraient cette voie. La troisième serait donc une politique proactive qui organiserait l'immigration selon des critères objectifs, dans le sens que ce que font les Etats-Unis ou le Canada.

Evidemment, cela ne réglera pas la question de la clandestinité et de l'inégalité du séjour de certains, mais dit Marco Martiniello, cela permettra à un plus grand nombre de personnes de tenter leur chance. L'alternative consistera en une situation, proche de celle que l'on connaît aujourd'hui, où les discours de fermeté et de fermeture se juxtaposent à une réalité de tolérance de la présence d'illégaux et de clandestins qui remplissent une fonction économique de maintien de certaines activités (horeca, construction, etc.), et permettent l'embauche de Belges dans les mêmes secteurs; le tout se réglant par des régularisations permanentes, qui si elles permettent à certains de voir leur situation s'officialiser, continueront à maintenir beaucoup d'autres dans l'illégalité et à augmenter la suspicion sur tous les étrangers immigrés et leurs descendants également installés. Enfin si une telle politique proactive s'installait, il ne faudrait pas non plus qu'elle "moralise" et tolère le pillage intellectuel des pays pauvres. "


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