Qu'est-ce que la nation ?
Valéry RASPLUS, essayiste.
Si vous venez ici ce soir pour entendre une définition finie de la nation, vous risquez de repartir déçu.
Je ne donnerais, en effet, aucune définition stricte de ce qu'est une nation, pour la simple et bonne raison raison que le concept de nation ne possède pas et n'a jamais possédé de définition stable, unanime et atemporelle.
La nation a été définie en différents lieux et époques selon des critères très variables. Des fois il n'existait même pas de définition de nation au sein même d'une nation réelle mais non intellectualisée.
Force est de reconnaître, que notre système éducatif français, jacobin, centralisateur, citoyen, étatiste, nous a laissé imprimer dans notre mémoire une vision bien particulière de la nation, comme une réalité objective faite par un peuple, les citoyens, mais aussi au-dessus d'eux (intérêt à géométrie variable de la nation, chasse gardée de la classe possédante par la reproduction des élites,...).
1.NATION ET PEUPLE
Pour qu'une nation puisse exister, il faut une terre, un territoire, et une population, un peuple. En donnant une image un peu directe, la nation serait ce qu'est un territoire à un chien qui vient d'uriner sur les objets des alentours.C'est-à-dire qu'une nation n'existe pas par elle-même, en-soi, elle pourrait fort bien ne pas exister, ce n'est donc pas quelque chose d'objectivement nécessaire, mais une réalité construite par la conscience subjective.
Une nation, un peuple, peuvent disparaître, ils sont nés un jour, il peuvent mourir un autre. Tout là est du domaine de l'artificiel, du construit, sauf pour les tenants de la nation organiciste, liée à une ethnie, une race, un déterminisme nationaliste, où la nation devient une donnée naturelle transhistorique.
On peut percevoir assez rapidement qu'une nation est intimement liée à la notion de peuple, lui aussi de construction strictement artificielle. Ce peuple peut être soit d'une construction Etatique soit a-étatique.
Un peuple défini, créé par un pouvoir, un Etat, est un peuple sans aucun contenu, car il n'existe que grâce et par le cadre dans lequel il se trouve, par contrainte ou imposition, par hétérodésignation. Par contre la construction a-étatique fait appel au fait que des peuples, (comme anciennement les indiens, les japonais,.les juifs,...) existent dans la mesure où il se trouve un ensemble d'individus conscient de former un peuple défini (autodésignation), selon plusieurs critères (langue, religion, histoire, mythe,...) et qui pourra, le cas échéant créer un Etat ou une nation-Etat.
Une conscience nationale n'est pas la conséquence de la réalité d'un peuple, elle est la cause de son existence. La conscience est première, le peuple est second.
Si cette conscience (d'un peuple, d'une nation) venait à disparaître, alors c'est le peuple (la nation) qui viendrait à disparaître, car son existence ne repose sur aucune donnée objective. C'est cette conscience qui fait un peuple (une nation) et non le peuple la conscience. Un peuple n'existe que quand il existe un groupe de gens qui partagent la conscience de former un peuple.
2. NATION ET ETAT
La nation est aussi intimement liée à l'Etat.
Et de ce côté là on trouve principalement, mais non exclusivement, deux conceptions : un modèle étatiste (Etat-pays) et un modèle instrumental (Etat appareil).
Dans le premier cas, l'Etat,confondu avec la nation, est une entité en soi, une superstructure au-dessus de la société faisant office d'instance suprême. Toute la société est subordonnée à cet Etat.
Dans le second cas, l'Etat, aussi confondu avec la nation, est conçu comme un instrument, un outil dont la société s'est dotée. L'Etat a été créé pour des raisons de commodité afin d'atteindre des objectifs minimaux collectifs et maximaux de classes.
Dans un cas on peut schématiquement reconnaître l'Etat de type totalitaire par exemple, dans l'autre l'Etat libéral au sens économique et actuel du terme.
Les Etats comme les nations ou les peuples, ne sont ni naturels ni nécessaires nous l'avons souligné. L'Etat a permis par des ouvrages, un système d'éducation, des moyens modernes de communication, de forger un imaginaire national collectif et individuel, de réécrire l'histoire, de porter le regard sur une direction plutôt qu'une autre,et finalement de se doter d'un bricolage idéologique national.
Prenont le cas des langues.
La langue nationale est d'abord la langue des élites intellectuelles liées au pouvoir, à un Etat. Ce sont soit des constructions semi-artificielles soit des pures inventions. Une s'est imposée, les autres peuvent être tolérées ou interdites, soit qu'elles font parties de l'ancienne classe dominante soit qu'elle est réellement minoritaire. L'Etat central intègre des "basses cultures" dans une "haute culture" standardisée et homogène.
Et dans un système où l'on introduirait la notion de citoyen, c'est-à-dire obéissance à un pouvoir en échange de confort, il ne suffirait pas d'être citoyen et citoyens pour être national.
3.NATION ET NATIONALISME
Quand on a les ingrédients de peuples,de nation et d'Etat, alors les nationalismes peuvent prendre forme : Quête absolue d'appartenance, impérialisme, revendication identitaire, revendication d'émancipation, référence radicale au sang, à une langue, à une histoire, à une religion, une idéologie, à des coutumes,...autant d'éléments que les nationalismes utiliseront pour justifier leurs actions.
Les nationalismes s'inventeront un passé glorieux, dénonceront les ennemis intérieurs et extérieurs, feront l'éloge de héros, de souvenirs, travailleront sur des signes et des symboles, feront l'éloge de l'homogénéité, du sacrifice, de l'esprit de croisade, du particularisme,...
Le nationaliste fait un éloge immodéré de la nation qui regroupe des êtres et objets gratiffiants dont il convient à tous prix de protéger et conserver contre l'ennemi intérieur et extérieur. "Il existe une nation dotée d'un caractère spécifique explicite ; les intérêts et valeurs de cette nation ont priorité sur tout autre intérêt et valeur ; la nation doit être aussi indépendante que possible ce qui requiert la reconnaissance de sa souveraineté politique"(Jean Leca, De quoi parle-t-on, in "Nation et nationalisme", Ed. La découverte, 1995, p.21).
Le nationalisme français c'est d'abord la Révolution française, dont l'Abbé Barruel dénoncera le coté anti-chrétien de la chose. C'est celui de la Commune de Paris en 1871, de l'amputation de l'Alsace-Lorraine. C'est aussi celui qui anime l'extrême-droite pendant l'affaire Dreyfus, de l'Action Française et autres Ligues, de 14-18, des colonies, de Vichy,... Le nationalisme est également contre l'Eglise (une religion), l'impérialisme, l'Ancien Régime, le colonialisme, le communisme, l'Occident, le libéralisme économique, ... L'inverse peut être vrai aussi. Mais le nationalisme n'a pas forcément besoin de la nation en tant que réalité pour exister, comme c'est le cas du nationalisme arabe.
Le nationalisme pourrait être trop sommairement défini comme un procédé idéologique et politique d'Etats dominants destiné à cimenter par divers procédés (éducation, propagande,...) la solidarité spécifique de leurs populations (par classes puis globalement) et leur contrôle sur elles.
4. CONCLUSION
Cette conclusion temporaire sera très brève et se fera sous forme de question :
La nation n'est ce pas finalement un concept propre à un système de dominance utilisant divers moyens en place ou à venir (institutions, éducation, communication, logements, méritocratie, frontière,...) pour maintenir l'asservissement d' hommes et de femmes ? Un autre opium du peuple.
Calle Luna
Valéry RASPLUS, essayiste.
Si vous venez ici ce soir pour entendre une définition finie de la nation, vous risquez de repartir déçu.
Je ne donnerais, en effet, aucune définition stricte de ce qu'est une nation, pour la simple et bonne raison raison que le concept de nation ne possède pas et n'a jamais possédé de définition stable, unanime et atemporelle.
La nation a été définie en différents lieux et époques selon des critères très variables. Des fois il n'existait même pas de définition de nation au sein même d'une nation réelle mais non intellectualisée.
Force est de reconnaître, que notre système éducatif français, jacobin, centralisateur, citoyen, étatiste, nous a laissé imprimer dans notre mémoire une vision bien particulière de la nation, comme une réalité objective faite par un peuple, les citoyens, mais aussi au-dessus d'eux (intérêt à géométrie variable de la nation, chasse gardée de la classe possédante par la reproduction des élites,...).
1.NATION ET PEUPLE
Pour qu'une nation puisse exister, il faut une terre, un territoire, et une population, un peuple. En donnant une image un peu directe, la nation serait ce qu'est un territoire à un chien qui vient d'uriner sur les objets des alentours.C'est-à-dire qu'une nation n'existe pas par elle-même, en-soi, elle pourrait fort bien ne pas exister, ce n'est donc pas quelque chose d'objectivement nécessaire, mais une réalité construite par la conscience subjective.
Une nation, un peuple, peuvent disparaître, ils sont nés un jour, il peuvent mourir un autre. Tout là est du domaine de l'artificiel, du construit, sauf pour les tenants de la nation organiciste, liée à une ethnie, une race, un déterminisme nationaliste, où la nation devient une donnée naturelle transhistorique.
On peut percevoir assez rapidement qu'une nation est intimement liée à la notion de peuple, lui aussi de construction strictement artificielle. Ce peuple peut être soit d'une construction Etatique soit a-étatique.
Un peuple défini, créé par un pouvoir, un Etat, est un peuple sans aucun contenu, car il n'existe que grâce et par le cadre dans lequel il se trouve, par contrainte ou imposition, par hétérodésignation. Par contre la construction a-étatique fait appel au fait que des peuples, (comme anciennement les indiens, les japonais,.les juifs,...) existent dans la mesure où il se trouve un ensemble d'individus conscient de former un peuple défini (autodésignation), selon plusieurs critères (langue, religion, histoire, mythe,...) et qui pourra, le cas échéant créer un Etat ou une nation-Etat.
Une conscience nationale n'est pas la conséquence de la réalité d'un peuple, elle est la cause de son existence. La conscience est première, le peuple est second.
Si cette conscience (d'un peuple, d'une nation) venait à disparaître, alors c'est le peuple (la nation) qui viendrait à disparaître, car son existence ne repose sur aucune donnée objective. C'est cette conscience qui fait un peuple (une nation) et non le peuple la conscience. Un peuple n'existe que quand il existe un groupe de gens qui partagent la conscience de former un peuple.
2. NATION ET ETAT
La nation est aussi intimement liée à l'Etat.
Et de ce côté là on trouve principalement, mais non exclusivement, deux conceptions : un modèle étatiste (Etat-pays) et un modèle instrumental (Etat appareil).
Dans le premier cas, l'Etat,confondu avec la nation, est une entité en soi, une superstructure au-dessus de la société faisant office d'instance suprême. Toute la société est subordonnée à cet Etat.
Dans le second cas, l'Etat, aussi confondu avec la nation, est conçu comme un instrument, un outil dont la société s'est dotée. L'Etat a été créé pour des raisons de commodité afin d'atteindre des objectifs minimaux collectifs et maximaux de classes.
Dans un cas on peut schématiquement reconnaître l'Etat de type totalitaire par exemple, dans l'autre l'Etat libéral au sens économique et actuel du terme.
Les Etats comme les nations ou les peuples, ne sont ni naturels ni nécessaires nous l'avons souligné. L'Etat a permis par des ouvrages, un système d'éducation, des moyens modernes de communication, de forger un imaginaire national collectif et individuel, de réécrire l'histoire, de porter le regard sur une direction plutôt qu'une autre,et finalement de se doter d'un bricolage idéologique national.
Prenont le cas des langues.
La langue nationale est d'abord la langue des élites intellectuelles liées au pouvoir, à un Etat. Ce sont soit des constructions semi-artificielles soit des pures inventions. Une s'est imposée, les autres peuvent être tolérées ou interdites, soit qu'elles font parties de l'ancienne classe dominante soit qu'elle est réellement minoritaire. L'Etat central intègre des "basses cultures" dans une "haute culture" standardisée et homogène.
Et dans un système où l'on introduirait la notion de citoyen, c'est-à-dire obéissance à un pouvoir en échange de confort, il ne suffirait pas d'être citoyen et citoyens pour être national.
3.NATION ET NATIONALISME
Quand on a les ingrédients de peuples,de nation et d'Etat, alors les nationalismes peuvent prendre forme : Quête absolue d'appartenance, impérialisme, revendication identitaire, revendication d'émancipation, référence radicale au sang, à une langue, à une histoire, à une religion, une idéologie, à des coutumes,...autant d'éléments que les nationalismes utiliseront pour justifier leurs actions.
Les nationalismes s'inventeront un passé glorieux, dénonceront les ennemis intérieurs et extérieurs, feront l'éloge de héros, de souvenirs, travailleront sur des signes et des symboles, feront l'éloge de l'homogénéité, du sacrifice, de l'esprit de croisade, du particularisme,...
Le nationaliste fait un éloge immodéré de la nation qui regroupe des êtres et objets gratiffiants dont il convient à tous prix de protéger et conserver contre l'ennemi intérieur et extérieur. "Il existe une nation dotée d'un caractère spécifique explicite ; les intérêts et valeurs de cette nation ont priorité sur tout autre intérêt et valeur ; la nation doit être aussi indépendante que possible ce qui requiert la reconnaissance de sa souveraineté politique"(Jean Leca, De quoi parle-t-on, in "Nation et nationalisme", Ed. La découverte, 1995, p.21).
Le nationalisme français c'est d'abord la Révolution française, dont l'Abbé Barruel dénoncera le coté anti-chrétien de la chose. C'est celui de la Commune de Paris en 1871, de l'amputation de l'Alsace-Lorraine. C'est aussi celui qui anime l'extrême-droite pendant l'affaire Dreyfus, de l'Action Française et autres Ligues, de 14-18, des colonies, de Vichy,... Le nationalisme est également contre l'Eglise (une religion), l'impérialisme, l'Ancien Régime, le colonialisme, le communisme, l'Occident, le libéralisme économique, ... L'inverse peut être vrai aussi. Mais le nationalisme n'a pas forcément besoin de la nation en tant que réalité pour exister, comme c'est le cas du nationalisme arabe.
Le nationalisme pourrait être trop sommairement défini comme un procédé idéologique et politique d'Etats dominants destiné à cimenter par divers procédés (éducation, propagande,...) la solidarité spécifique de leurs populations (par classes puis globalement) et leur contrôle sur elles.
4. CONCLUSION
Cette conclusion temporaire sera très brève et se fera sous forme de question :
La nation n'est ce pas finalement un concept propre à un système de dominance utilisant divers moyens en place ou à venir (institutions, éducation, communication, logements, méritocratie, frontière,...) pour maintenir l'asservissement d' hommes et de femmes ? Un autre opium du peuple.
Calle Luna