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    Les difficultés de l’antiracisme

    Anonymous
    joan21
    Invité


    Les difficultés de l’antiracisme Empty Les difficultés de l’antiracisme

    Message  joan21 Mer 5 Juil - 10:58

    Les difficultés de l’antiracisme

    Ariane Lantz, philosophe

    Lorsque le MRAP s’est fondé à la Libération, il était l’héritier d’actions très pratiques qui avaient protégé des individus pourchassés pour leur appartenance à un groupe défini, par les nazis ou les pouvoirs. Avant d’être discriminés, juifs et Tziganes étaient d’abord en danger. « Plus jamais ça ! » Les liens économiques et politiques de la France avec son empire colonial ont ajouté à cette catégorie des victimes du passé les travailleurs immigrés, main-d’oeuvre utile au profit. L’antiracisme était simple et clair, il s’opposait aux préjugés dépréciatifs, aux ségrégations, voire même aux violences directes. Il exigeait une conscience éthique, la foi dans le progrès et l’égalité des hommes, ou alors des analyses politiques de l’anticolonialisme et de l’impérialisme.

    Aujourd’hui, depuis la décolonisation et la fin de la guerre froide, les situations sont bien plus complexes. Les préjugés et les discriminations racistes sont toujours là, mais les populations ainsi stigmatisées se rattachent désormais à des groupes qui s’affrontent ailleurs dans de nombreuses guerres. Ce ne sont plus seulement des guerres locales : elles opposent des idéologies et des régimes différents, et elles servent en même temps d’essais en vraie grandeur pour les armes que chaque grande puissance se plaît à confier à ses protégés.

    Ces guerres proposent aux victimes un modèle d’identification dans lequel l’humiliation quotidienne sera dépassée par la représentation du groupe victorieux. C’est ainsi que, chez nous, des individus peuvent être à la fois infériorisés comme Arabes et héroïsés par les gamins de l’Intifada ; d’autres trouvent dans la grandeur de Moïse et dans leur admiration pour l’armée israélienne la compensation des déceptions et des injures du quotidien. Quand on se place sur le plan où il faudrait séparer les victimes et les bourreaux, on est sûr de perdre à tous les coups. Car, à un moment ou à un autre, toutes les victimes sont, peu ou prou, solidaires des bourreaux. La conscience historique est partielle et située en perspective. L’extrême nervosité de certains ici à dénoncer la moindre attaque comme une menace antisémite traduit cette inadéquation essentielle de la conscience au vécu. Le passé et l’ailleurs fournissent les références.

    L’antiracisme alors risque sans cesse de prendre parti sans même s’en apercevoir. Certains disent même que cet « antiracisme » est la pire forme du racisme aujourd’hui. Si l’on veut dire par là que l’antiracisme ne peut accepter les prétentions des adversaires à se présenter comme « les » victimes exemplaires du racisme, l’affirmation est exacte. Qui n’est pas avec nous est contre nous. Il ne peut y avoir d’antiracisme actuellement que si l’on renonce à faire partir l’analyse de la catégorie de victime ou de minoritaire, ce sont des catégories stériles.

    Il y a alors un risque de confondre la défense des victimes avec le principe qui donne à leurs yeux légitimité à leurs plaintes ou à leurs revendications.

    Combattre l’antisémitisme ce n’est pas justifier le sionisme, mais, inversement, s’opposer au sionisme n’est pas faire preuve d’antisémitisme. De même, on peut dénoncer la propagande anti-arabe et sa forme explicite ou fantasmée de terreur devant l’islam sans prendre parti de ce fait pour l’islam comme religion. Mais ces distinctions fines risquent sans cesse d’être oubliées par le public. La propagande politique exige des distinctions tranchées, les bons d’un côté, les méchants en face. Or c’est l’usage de ces classements dualistes qui est source de tous les malentendus et de toutes les confusions. Seul un avenir voulu peut bousculer les oppositions stérilisantes du présent et forger de nouvelles catégories.

    La seule manière pour l’antiracisme de ne pas être pris dans les jeux du racisme-antiracisme- racisme, c’est de chercher ailleurs, dans les analyses politiques, sociales, économiques, un repérage des contradictions de nos sociétés. C’est donc essayer de sortir des tentations perverses de l’identification. Paradoxe, puisque, plus les individus sont humiliés ou défavorisés, plus ils ont besoin d’une identification forte qu’ils trouvent, faute de mieux, avec un des adversaires, le bien des évangélistes, la grandeur de l’armée israélienne, le passé glorieux de Mohammed, voire même la Révolution française et le cor de Roland à Roncevaux.

    http://www.humanite.fr/journal/2006-03-18/2006-03-18-826535

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