Kamikaze belge : messages codés et réseau bien rodé
BORLOO,JEAN-PIERRE
lundi 15 octobre 2007, 23:03
Le procès de la filière d'acheminement de kamikazes en Irak a débuté à Bruxelles. Six prévenus sont accusés d'avoir favorisé le passage à l'acte de candidats belges au suicide en Irak. Le 9 novembre 2005 fut le jour où Muriel Degauque, cette Belge de 38 ans, convertie à l'islam, devint la première kamikaze européenne à se faire exploser en Irak. Mais Myriam, pour reprendre son nom de convertie, n'aurait jamais pu accomplir cela seule. Pour l'occasion, elle a bénéficié de l'appui de toute une filière bien rodée. Dont certains membres sont en procès à Bruxelles.
Cinq prévenus, comparaissant libres, se sont présentés à l'audience du tribunal correctionnel. Le sixième, Bilal Soughir, toujours sous les liens d'un mandat d'arrêt, n'a pas voulu être transféré de la prison de Forest avec une cagoule sur la tête, des lunettes foncées sur le nez et menotté aux mains et aux pieds. Cela lui donne des vertiges, a lancé son avocate, Me Fernande Motte de Raedt. Qui l'a donc représenté pour l'ouverture de ce procès qui devrait durer un mois.
Les investigations sur cette filière ont démarré sur base de deux notes de la Sûreté de l'Etat, l'une dénonçant les liens du prévenu Nabil Karmun avec les milieux salafistes, l'autre évoquant la filière d'acheminement de kamikazes vers l'Irak. Sur cette base, des instructions judiciaires ont été ouvertes et des écoutes téléphoniques lancées.
Il ressort de ces devoirs d'enquête que Bilal Soughir est au centre de nombreux contacts belges et internationaux. Le 3 août 2005, il reçoit trois appels d'Italie. Une évasion groupée vient d'avoir lieu. Il demande la voiture de Nabil Karmun, se rase la barbe et part pour Rome suivi par des enquêteurs belges. Il y charge A. B., les deux hommes se séparent pour passer les frontières, et A. B. est hébergé à Bruxelles avant de rejoindre Paris.
Dix jours plus tard, le prévenu Souhaieb Soughir, en Thaïlande, entre en contact avec son frère Bilal. Ils parlent d'« acheminement de livres. Il faut faire très attention car il y a quelque chose à l'intérieur, à recoller ailleurs » Des faux documents.
En octobre 2005, les contacts se précisent. Les écoutes révèlent qu'il y a un besoin d'argent, que « le directeur » a une mission à confier. Son numéro de GSM est communiqué, scindé en deux, et envoyé par deux procédés distincts. Au même moment, Bilal Soughir entre en contact avec Abou Mazen, en Tunisie, considéré par les enquêteurs comme un contact d'Al Zarkaoui. Ces relations serviront notamment à permettre aux candidats kamikazes de pénétrer dans des filières existantes en Syrie, vers l'Irak.
Le langage de leurs conversations est codé. Les organisateurs de la filière parlent de « société » qui pourrait « engager » des personnes pour un « travail ». Le 8 octobre, un SMS signale qu'Issam Goris, le mari de Muriel Degauque, se trouve à Falloudja en Irak. Il est en contact avec « la société », pour « le travail » à effectuer Il prévient que ce « travail » sera filmé et demande d'avertir sa mère.
Parfois, c'est la métaphore des « noces » qui est utilisée pour parler d'un attentat. Début novembre 2005, ces « noces » sont annoncées. Et le 9 novembre, Muriel Degauque se fait exploser à Baqubah, au Nord de Bagdad. Peu après, un appel destiné à Bilal Soughir signale que « c'est fait, c'est fini ». Bilal répercute la « bonne nouvelle ». Pascal Cruypenninck, également prévenu au procès, ajoute : « C'est notre tour maintenant ».
Le lendemain, les forces américaines en Irak annoncent avoir abattu Issam Goris d'une balle dans la tête. Il était, selon cette source, prêt à commettre lui-même un attentat. Mais le dossier judiciaire belge ne comporte pas d'éléments probants à ce sujet.
Les messages de joie se succèdent : « Il faut les imiter, se préparer à partir. Il faut se réjouir, il n'y a pas mieux à faire, c'est le paradis en direct. Il ne faut pas s'attrister de la mort d'un mécréant », note-t-on encore dans les échanges entre membres de la filière.
Une filière de combattants et non de terroristes, clame la défense des prévenus. Pour lesquels le tribunal n'aurait pas de légitimité.
www.lesoir.be
BORLOO,JEAN-PIERRE
lundi 15 octobre 2007, 23:03
Le procès de la filière d'acheminement de kamikazes en Irak a débuté à Bruxelles. Six prévenus sont accusés d'avoir favorisé le passage à l'acte de candidats belges au suicide en Irak. Le 9 novembre 2005 fut le jour où Muriel Degauque, cette Belge de 38 ans, convertie à l'islam, devint la première kamikaze européenne à se faire exploser en Irak. Mais Myriam, pour reprendre son nom de convertie, n'aurait jamais pu accomplir cela seule. Pour l'occasion, elle a bénéficié de l'appui de toute une filière bien rodée. Dont certains membres sont en procès à Bruxelles.
Cinq prévenus, comparaissant libres, se sont présentés à l'audience du tribunal correctionnel. Le sixième, Bilal Soughir, toujours sous les liens d'un mandat d'arrêt, n'a pas voulu être transféré de la prison de Forest avec une cagoule sur la tête, des lunettes foncées sur le nez et menotté aux mains et aux pieds. Cela lui donne des vertiges, a lancé son avocate, Me Fernande Motte de Raedt. Qui l'a donc représenté pour l'ouverture de ce procès qui devrait durer un mois.
Les investigations sur cette filière ont démarré sur base de deux notes de la Sûreté de l'Etat, l'une dénonçant les liens du prévenu Nabil Karmun avec les milieux salafistes, l'autre évoquant la filière d'acheminement de kamikazes vers l'Irak. Sur cette base, des instructions judiciaires ont été ouvertes et des écoutes téléphoniques lancées.
Il ressort de ces devoirs d'enquête que Bilal Soughir est au centre de nombreux contacts belges et internationaux. Le 3 août 2005, il reçoit trois appels d'Italie. Une évasion groupée vient d'avoir lieu. Il demande la voiture de Nabil Karmun, se rase la barbe et part pour Rome suivi par des enquêteurs belges. Il y charge A. B., les deux hommes se séparent pour passer les frontières, et A. B. est hébergé à Bruxelles avant de rejoindre Paris.
Dix jours plus tard, le prévenu Souhaieb Soughir, en Thaïlande, entre en contact avec son frère Bilal. Ils parlent d'« acheminement de livres. Il faut faire très attention car il y a quelque chose à l'intérieur, à recoller ailleurs » Des faux documents.
En octobre 2005, les contacts se précisent. Les écoutes révèlent qu'il y a un besoin d'argent, que « le directeur » a une mission à confier. Son numéro de GSM est communiqué, scindé en deux, et envoyé par deux procédés distincts. Au même moment, Bilal Soughir entre en contact avec Abou Mazen, en Tunisie, considéré par les enquêteurs comme un contact d'Al Zarkaoui. Ces relations serviront notamment à permettre aux candidats kamikazes de pénétrer dans des filières existantes en Syrie, vers l'Irak.
Le langage de leurs conversations est codé. Les organisateurs de la filière parlent de « société » qui pourrait « engager » des personnes pour un « travail ». Le 8 octobre, un SMS signale qu'Issam Goris, le mari de Muriel Degauque, se trouve à Falloudja en Irak. Il est en contact avec « la société », pour « le travail » à effectuer Il prévient que ce « travail » sera filmé et demande d'avertir sa mère.
Parfois, c'est la métaphore des « noces » qui est utilisée pour parler d'un attentat. Début novembre 2005, ces « noces » sont annoncées. Et le 9 novembre, Muriel Degauque se fait exploser à Baqubah, au Nord de Bagdad. Peu après, un appel destiné à Bilal Soughir signale que « c'est fait, c'est fini ». Bilal répercute la « bonne nouvelle ». Pascal Cruypenninck, également prévenu au procès, ajoute : « C'est notre tour maintenant ».
Le lendemain, les forces américaines en Irak annoncent avoir abattu Issam Goris d'une balle dans la tête. Il était, selon cette source, prêt à commettre lui-même un attentat. Mais le dossier judiciaire belge ne comporte pas d'éléments probants à ce sujet.
Les messages de joie se succèdent : « Il faut les imiter, se préparer à partir. Il faut se réjouir, il n'y a pas mieux à faire, c'est le paradis en direct. Il ne faut pas s'attrister de la mort d'un mécréant », note-t-on encore dans les échanges entre membres de la filière.
Une filière de combattants et non de terroristes, clame la défense des prévenus. Pour lesquels le tribunal n'aurait pas de légitimité.
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