LE MONDE | 09.09.07 | 11h05 • Mis à jour le 09.09.07 | 11h05
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le dernier-né des robots humanoïdes japonais est doté de capacités impressionnantes. Dévoilé le 22 juin par la société Kawada et l'Institut national des sciences et technologies avancées (AIST), le "HRP-3 Promet" a tout de l'ouvrier du futur. Cette machine blanc et noir de 1,60 m pour 80 kg peut évoluer par tous les temps et se déplacer sur tous les terrains les plus accidentés. Le robot peut marcher deux heures, manipuler avec précision un tournevis, aider un homme à porter une planche, conduire un engin de chantier. Il présente d'infinis avantages par rapport aux humains. Jamais fatigué, ne nécessitant qu'une maintenance limitée et ne râlant pas, il pourrait révolutionner le secteur de la construction. Les concepteurs espèrent le commercialiser en 2010.
Dans moins d'une décennie, selon ces chercheurs, les robots feront partie du quotidien des Japonais. Bill Gates, dont l'entreprise Microsoft veut créer un système d'exploitation standard pour ces machines, annonce que l'industrie de la robotique, à l'image de celle du PC il y a trente ans, est à l'orée d'une forte expansion. Ces machines évolueront au contact des humains, pourront les remplacer dans certaines tâches, mais auront-elles, comme eux, des droits ?
La question a déjà été posée en Grande-Bretagne, dans un texte de prospective remis au gouvernement en décembre 2006. Le projet Horizon Scan aborde quelque 250 sujets d'avenir. Parmi eux, les conséquences de l'évolution des robots.
Sous l'appellation "Rêves utopiques ou meilleures machines", les experts s'interrogent sur ce qu'il faut apporter aux robots en échange du développement de leur intelligence artificielle. Seront-ils autorisés à voter, obligés de payer des impôts, de faire leur service militaire ? Selon le rapport, si les robots participent à la force de travail, donc à la croissance de l'économie, il sera nécessaire de leur donner par exemple une couverture sociale pour assurer le bon fonctionnement de leurs équipements. Comme le note le texte, un ordinateur, qui n'est pas une personne légale, ne peut pas être mis en cause pénalement. Au mieux, son fabricant peut faire protéger son droit de propriété intellectuelle.
A l'institut de recherches américain MIT, Aaron Edsinger travaille depuis trois ans sur le robot Domo. Celui-ci doit naître d'une fusion entre Kismet, qui recherche les contacts avec les humains et Cog, très bon manipulateur d'objets. "La question du droit des robots sera importante à terme non seulement pour les roboticiens mais pour la société en général, explique-t-il. Je ne suis pas sûr que cela sera très différent de la question du droit des animaux, débattue actuellement. Nous protégeons nos animaux de compagnie contre toutes sortes d'abus, mais en même temps traitons d'autres espèces comme des bêtes de somme. De même, nous nous comporterons différemment selon les catégories de robots. Peut-être voudrons-nous que les robots domestiques restent des produits ménagers qui ne manifestent pas d'émotions. Un lave-vaisselle devrait rester un lave-vaisselle. Les robots pour enfants occuperont vraisemblablement un rôle de chien ou de chat. Et je pense que l'octroi de droits équivalents pour ces deux catégories de compagnons paraîtra naturel dans cinquante ans."
Au Japon, la question va se poser plus tôt que cela, tant la robotique occupe déjà une place importante dans le quotidien. Le vieillissement de la population posant des problèmes en termes de main-d'oeuvre pour les entreprises ou pour l'aide aux personnes âgées, laboratoires et collectivités, pressés par le gouvernement, investissent énormément dans le domaine.
Les robots humanoïdes sortent peu à peu des laboratoires, à l'image de Wakamaru, sympathique tas de boulons conçu par Mitsubishi pour communiquer et déjà commercialisé pour remplir les fonctions d'hôtesse d'accueil dans les entreprises. De même, la société de sécurité Alsok loue déjà ses robots de surveillance C4 et C5 à des centres commerciaux. Les Japonais ne se posent pas de questions éthiques autour des robots, perçus comme éléments de l'environnement, comme les arbres, les objets, les animaux, voire les autres humains. Satoshi Kitajima, du Robot Laboratory d'Osaka, considère que "les robots sont là pour assister l'homme. Ils doivent lui permettre de consacrer son temps à d'autres activités".
Avec une approche très pragmatique, le ministère de l'économie japonais travaille à la rédaction d'une directive sur la sécurité liée à l'usage des robots. La commission créée à cet effet en décembre 2006 ne devrait pas se prononcer pour une distinction entre robots et machines. Le fabricant sera toujours tenu pour responsable des agissements de sa création, sauf si ses instructions n'ont pas été respectées. La directive gouvernementale exigera des fabricants qu'ils assurent un suivi très sérieux des robots accomplissant des services à la personne. Ils devront enregistrer le moindre incident et le signaler à l'AIST, qui se chargera d'en tirer les conclusions.
En Corée du Sud, pays également très avancé en matière de robotique et grand rival du Japon dans ce domaine, une "charte éthique des robots" devrait être rédigée cette année. Le texte s'inspirera des principes édictés par l'auteur de science-fiction Isaac Asimov. Les robots ne doivent pas s'en prendre aux humains ou permettre à des humains de faire du mal. Les robots doivent obéir aux humains à moins que cela ne contredise la première loi. Les robots doivent assurer leur protection si cela ne contredit pas les autres lois.
Françoise Lazare et Philippe Mesmer (À Tokyo)
http://www.lemonde.fr/web/article/0,1-0@2-3244,36-952841@51-953043,0.html