Les juges et la violence
LE MONDE | 06.06.07 | 13h57
Devant l'agression à coups de couteau, mardi 5 juin, d'un juge pour enfants à Metz, l'institution judiciaire se mobilise. Rachida Dati, la garde des sceaux, annonce des mesures pour renforcer la sécurité des palais de justice. Dès 2003 pourtant, l'alerte avait été donnée par l'Union syndicale des magistrats (majoritaire). Des plans de sécurisation des tribunaux ont été promis mais, faute de moyens, ils n'ont jamais débouché. La politique du ministère de l'intérieur, qui considérait, ces dernières années, la présence policière dans ces lieux comme des "charges indues", est aussi en cause.
La gauche judiciaire avait pour sa part minimisé le problème, tout en mettant en avant la violence institutionnelle exercée sur les populations fragilisées qui ont affaire à la justice. De fait, c'est dans les cabinets des juges pour enfants, quand se décident les placements, comme cela s'est passé à Metz, ou chez les juges aux affaires familiales qu'éclatent le plus souvent les incidents violents. Dans les audiences correctionnelles, la confrontation entre les juges et les jeunes des banlieues produit aussi de fréquentes frictions.
Les uns dénoncent l'arrogance de l'institution ou l'incapacité pour les juges de tenir un langage accessible. Les autres mettent en avant la remise en question de l'autorité de la loi et de ceux qui sont chargés de la faire respecter. Mais ces faits relancent la controverse sur les moyens de la justice, insuffisants aux yeux des professions judiciaires.
La question n'est ni corporatiste ni anecdotique : quand les portes d'un tribunal ferment à partir de 18 heures parce que les vigiles de la société privée chargée de la sécurité ont fini leur service, le principe du libre accès de tous à la justice est remis en question. Quand les supporteurs d'un agresseur venu comparaître peuvent exercer des pressions sur la victime dans les couloirs du palais après l'audience, l'élémentaire protection que doit apporter la justice n'est pas assurée.
Mais ces violences révèlent aussi les difficultés sociales profondes qui fracturent la société. Le quotidien des juges est bien celui des carences parentales, de la pauvreté et du chômage, de la maladie du déracinement, des parcours de vie en dents de scie. Une sombre litanie dont ils ne sortent pas toujours indemnes.
Quand ils décrivent cette réalité, les magistrats de la jeunesse, de la famille ou du pénal sont pourtant régulièrement accusés de vouloir excuser les délinquants. Il faut un tel fait divers pour qu'ils fassent l'objet de la compassion de l'opinion. Nicolas Sarkozy a promis de recevoir, dès qu'il sera rétabli, le magistrat agressé. Le président de la République renoue avec ce qu'il a toujours fait comme ministre de l'intérieur avec d'autres victimes. Mais la réponse à ce malaise ne peut se limiter à une rhétorique victimaire ou sécuritaire.
http://www.lemonde.fr/web/article/0,1-0@2-3232,36-919535@51-919004,0.html
LE MONDE | 06.06.07 | 13h57
Devant l'agression à coups de couteau, mardi 5 juin, d'un juge pour enfants à Metz, l'institution judiciaire se mobilise. Rachida Dati, la garde des sceaux, annonce des mesures pour renforcer la sécurité des palais de justice. Dès 2003 pourtant, l'alerte avait été donnée par l'Union syndicale des magistrats (majoritaire). Des plans de sécurisation des tribunaux ont été promis mais, faute de moyens, ils n'ont jamais débouché. La politique du ministère de l'intérieur, qui considérait, ces dernières années, la présence policière dans ces lieux comme des "charges indues", est aussi en cause.
La gauche judiciaire avait pour sa part minimisé le problème, tout en mettant en avant la violence institutionnelle exercée sur les populations fragilisées qui ont affaire à la justice. De fait, c'est dans les cabinets des juges pour enfants, quand se décident les placements, comme cela s'est passé à Metz, ou chez les juges aux affaires familiales qu'éclatent le plus souvent les incidents violents. Dans les audiences correctionnelles, la confrontation entre les juges et les jeunes des banlieues produit aussi de fréquentes frictions.
Les uns dénoncent l'arrogance de l'institution ou l'incapacité pour les juges de tenir un langage accessible. Les autres mettent en avant la remise en question de l'autorité de la loi et de ceux qui sont chargés de la faire respecter. Mais ces faits relancent la controverse sur les moyens de la justice, insuffisants aux yeux des professions judiciaires.
La question n'est ni corporatiste ni anecdotique : quand les portes d'un tribunal ferment à partir de 18 heures parce que les vigiles de la société privée chargée de la sécurité ont fini leur service, le principe du libre accès de tous à la justice est remis en question. Quand les supporteurs d'un agresseur venu comparaître peuvent exercer des pressions sur la victime dans les couloirs du palais après l'audience, l'élémentaire protection que doit apporter la justice n'est pas assurée.
Mais ces violences révèlent aussi les difficultés sociales profondes qui fracturent la société. Le quotidien des juges est bien celui des carences parentales, de la pauvreté et du chômage, de la maladie du déracinement, des parcours de vie en dents de scie. Une sombre litanie dont ils ne sortent pas toujours indemnes.
Quand ils décrivent cette réalité, les magistrats de la jeunesse, de la famille ou du pénal sont pourtant régulièrement accusés de vouloir excuser les délinquants. Il faut un tel fait divers pour qu'ils fassent l'objet de la compassion de l'opinion. Nicolas Sarkozy a promis de recevoir, dès qu'il sera rétabli, le magistrat agressé. Le président de la République renoue avec ce qu'il a toujours fait comme ministre de l'intérieur avec d'autres victimes. Mais la réponse à ce malaise ne peut se limiter à une rhétorique victimaire ou sécuritaire.
http://www.lemonde.fr/web/article/0,1-0@2-3232,36-919535@51-919004,0.html