La France durçit son tri face aux étrangers malades
Une pétition a été lancée contre les menaces d'expulsion.
Par Eric FAVEREAU
QUOTIDIEN : jeudi 26 avril 2007
«L e gouvernement vient de publier, en toute discrétion et au mépris de l'esprit de la loi, des outils facilitant l'expulsion de personnes étrangères gravement malades, condamnées dans leur pays d'origine par l'absence de traitement», écrivent les signataires d'une pétition qui, à peine lancée, a déjà été signée par des personnalités incontournables, dont Didier Sicard, président du Comité consultatif national d'éthique, Axel Kahn, généticien de renom, ou encore Emmanuel Hirsch, qui préside l'Espace éthique des hôpitaux de Paris, mais aussi la professeure Christine Katlama. Son objet : la défense des étrangers malades et menacés d'expulsion.
Secret médical.
Cette initiative de l'Observatoire du droit à la santé des étrangers (1) est rendue publique ce matin. Elle entend répondre à une politique du ministère de l'Intérieur «qui devient de plus en plus opaque vis-à-vis des étrangers malades qui se font soigner en France». Jusqu'à présent, la France se montrait plutôt généreuse. Elle accordait une carte de séjour d'un an, éventuellement renouvelable pour que la personne puisse se faire soigner. Le médecin de santé publique devait examiner le patient, et s'il était atteint d'une maladie que son pays d'origine n'était pas en état de prendre en charge, il donnait alors un avis favorable, sans en préciser bien sûr les raisons pour préserver le secret médical. Le préfet décidait ensuite.
Or, discrètement, les sites Intranet des ministères de l'Intérieur et de la Santé ont publié des fiches d'informations concernant l'offre de soins et de traitements proposée dans les pays d'origine des étrangers malades demandant une régularisation pour raisons médicales. Une façon de faire le tri. «Mais de quelle manière ? s'alarment les pétitionnaires. Ces fiches pays ne prennent pas en compte la notion essentielle d'accessibilité effective aux soins et aux traitements. Elles ne tiennent compte ni de la répartition géographique des traitements, ni des ressources financières nécessaires pour les obtenir.» Exemple, en Egypte, la fiche va mentionner qu' «une tumeur maligne de l'estomac peut être traitée sur tout le territoire avec une offre de soins de qualité : moyenne mais suffisante». Or, dans les faits, les traitements sont très chers et uniquement disponibles dans les structures privées des grandes villes. Plus grave encore, selon les signataires, les médecins inspecteurs de santé publique sont conduits à violer le secret médical puisqu'ils doivent désormais détailler au préfet les traitements à dispenser aux malades étrangers.
«Tout est obscur». Ce durcissement intervient alors que des données essentielles restent cachées. Combien y a-t-il, par exemple, d'étrangers dans cette situation ? Combien de nouvelles cartes de séjour par an ? Y a-t-il augmentation ou pas ? «Tout est obscur», remarque Arnaud Veisse, directeur de la Comede (Comité médical pour les exilés). «Les derniers rapports officiels sur les étrangers malades remontent à 2002. Et depuis, on n'a que des informations parcellaires. Par exemple, en 2005, il y aurait eu 7 196 nouvelles admissions et 40 940 avis médicaux rendus. Normalement, les malades bénéficient d'une carte temporaire d'un an ; or, parfois, les préfectures délivrent des autorisations temporaires, de trois mois, voire de six mois.» Autre signe de ce changement, jusqu'à présent les préfectures suivaient les avis médicaux. Mais en février, pour la première fois, trois étrangers malades ont été expulsés contre l'avis des médecins.
(1) Collectif regroupant, entre autres, Aides, Act Up, la Comede, Médecins du monde, etc.
http://www.liberation.fr/actualite/societe/250042.FR.php
Une pétition a été lancée contre les menaces d'expulsion.
Par Eric FAVEREAU
QUOTIDIEN : jeudi 26 avril 2007
«L e gouvernement vient de publier, en toute discrétion et au mépris de l'esprit de la loi, des outils facilitant l'expulsion de personnes étrangères gravement malades, condamnées dans leur pays d'origine par l'absence de traitement», écrivent les signataires d'une pétition qui, à peine lancée, a déjà été signée par des personnalités incontournables, dont Didier Sicard, président du Comité consultatif national d'éthique, Axel Kahn, généticien de renom, ou encore Emmanuel Hirsch, qui préside l'Espace éthique des hôpitaux de Paris, mais aussi la professeure Christine Katlama. Son objet : la défense des étrangers malades et menacés d'expulsion.
Secret médical.
Cette initiative de l'Observatoire du droit à la santé des étrangers (1) est rendue publique ce matin. Elle entend répondre à une politique du ministère de l'Intérieur «qui devient de plus en plus opaque vis-à-vis des étrangers malades qui se font soigner en France». Jusqu'à présent, la France se montrait plutôt généreuse. Elle accordait une carte de séjour d'un an, éventuellement renouvelable pour que la personne puisse se faire soigner. Le médecin de santé publique devait examiner le patient, et s'il était atteint d'une maladie que son pays d'origine n'était pas en état de prendre en charge, il donnait alors un avis favorable, sans en préciser bien sûr les raisons pour préserver le secret médical. Le préfet décidait ensuite.
Or, discrètement, les sites Intranet des ministères de l'Intérieur et de la Santé ont publié des fiches d'informations concernant l'offre de soins et de traitements proposée dans les pays d'origine des étrangers malades demandant une régularisation pour raisons médicales. Une façon de faire le tri. «Mais de quelle manière ? s'alarment les pétitionnaires. Ces fiches pays ne prennent pas en compte la notion essentielle d'accessibilité effective aux soins et aux traitements. Elles ne tiennent compte ni de la répartition géographique des traitements, ni des ressources financières nécessaires pour les obtenir.» Exemple, en Egypte, la fiche va mentionner qu' «une tumeur maligne de l'estomac peut être traitée sur tout le territoire avec une offre de soins de qualité : moyenne mais suffisante». Or, dans les faits, les traitements sont très chers et uniquement disponibles dans les structures privées des grandes villes. Plus grave encore, selon les signataires, les médecins inspecteurs de santé publique sont conduits à violer le secret médical puisqu'ils doivent désormais détailler au préfet les traitements à dispenser aux malades étrangers.
«Tout est obscur». Ce durcissement intervient alors que des données essentielles restent cachées. Combien y a-t-il, par exemple, d'étrangers dans cette situation ? Combien de nouvelles cartes de séjour par an ? Y a-t-il augmentation ou pas ? «Tout est obscur», remarque Arnaud Veisse, directeur de la Comede (Comité médical pour les exilés). «Les derniers rapports officiels sur les étrangers malades remontent à 2002. Et depuis, on n'a que des informations parcellaires. Par exemple, en 2005, il y aurait eu 7 196 nouvelles admissions et 40 940 avis médicaux rendus. Normalement, les malades bénéficient d'une carte temporaire d'un an ; or, parfois, les préfectures délivrent des autorisations temporaires, de trois mois, voire de six mois.» Autre signe de ce changement, jusqu'à présent les préfectures suivaient les avis médicaux. Mais en février, pour la première fois, trois étrangers malades ont été expulsés contre l'avis des médecins.
(1) Collectif regroupant, entre autres, Aides, Act Up, la Comede, Médecins du monde, etc.
http://www.liberation.fr/actualite/societe/250042.FR.php