L'Echo-Actualités (2005-2006), 25/04/2006
POLITIQUE
Je suis de droite, c'est grave, docteur?
Aujourd'hui en France, s'affirmer de droite dans la presse, l'enseignement, la fonction publique et la plupart des entreprises débouche sur l'ostracisme, estime le journaliste Eric Brunet. Petite incursion dans la France du politiquement correct.
ÊTRE DE DROITE EN FRANCE, le grand tabou? Que vous soyez intellectuel, journaliste, enseignant ou fonctionnaire, revendiquer ouvertement votre appartenance à la droite dans l'Hexagone vous expose au risque d'être taxé de réac, voire de facho, et peut souvent avoir des conséquences sur votre avancement professionnel. Telle est la thèse du journaliste de France 3 Eric Brunet, découvreur de cette curieuse maladie - le tabou d'être de droite - qui, selon lui, «a placé sous l'éteignoir la moitié de la France depuis soixante ans».
Etre aujourd'hui de droite en France demeure en effet la plupart du temps une maladie honteuse, soutient l'auteur: «Qui ose dire: je suis de droite? Quel artiste? Quel journaliste? Quel fonctionnaire?» S'affirmer de droite dans un pays pourtant majoritairement... de droite débouche sur l'ostracisme et la marginalisation, selon lui. Dans les salles de rédaction, à l'éducation nationale, dans la fonction publique et la plupart des entreprises, «il est de bon ton et plus payant de revendiquer son appartenance à la gauche».
Exagération que tout cela? Brunet s'attache à démontrer le contraire. Dans le monde de la presse, il rappelle ainsi quelques vérités. Selon une petite enquête réalisée par l'hebdomadaire Marianne - titre que l'on pourrait difficilement qualifier de sympathisant actif de la droite ou de suppôt du libéralisme -, seuls 6% des journalistes français avoueraient leur sensibilité de droite. Brunet cite quelques connaisseurs qui font le même constat: pour Philippe Vandel, chroniqueur historique de Canal+, qui n'est pas non plus spécialement «droitiste», «toutes les rédactions sont à gauche, même dans les journaux de droite. (...) Dès qu'un type de droite débarque à un poste de responsabilité, c'est la bronca des syndicats». Roger Auque, grand reporter et ancien otage au Liban, partage cet avis et précise: «cela ne va pas aller en s'arrangeant, car le système est tel qu'ils se cooptent».
Résultat de cette prédominance, les journalistes de gauche «ont étouffé depuis les années cinquante toutes les autres formes de pensée intellectuelle, en ne leur donnant pas voix au chapitre ou les présentant de façon caricaturale. Ces journalistes ont éradiqué la pensée de droite en accréditant l'idée que ce qui n'est pas de gauche est vulgaire, pavillonnaire et intellectuellement ténu».
Leurs victimes? Le philosophe Alain Finkielkraut notamment, qui fut au centre d'un véritable lynchage médiatique et politique lors des émeutes dans les banlieues pour quelques déclarations déformées dans un journal israélien. Son collègue Yves Roucaute, qui a inspiré plusieurs hommes politiques, a vu quant à lui sa carrière entravée. Son défaut? Etre le théoricien du néo-conservatisme français. Secrétaire perpétuelle de l'Académie française, Hélène Carrère d'Encausse, n'hésite pas de son côté à comparer le poids écrasant du politiquement correct qui règne dans certains débats à la censure des médias en Russie. Un rapprochement qui lui a valu quelques procès en «négationnisme».
Peu d'intellectuels osent effectivement se dire de droite, alors que les publications de gauche foisonnent et que les anciens trotskystes ont pignon sur rue, que ce soit au Monde ou à Matignon. L'ostracisme est tel que pour revendiquer l'étiquette taboue, il faut inventer des pisaller: se réclamer «anticonformiste» ou «à contre-courant».
Pour Brunet, c'est de cette omerta que découlerait la pensée unique qui empêche tout débat serein sur de nombreux sujets sensibles tels que les organismes génétiquement modifiés, le libéralisme, la mondialisation ou l'immigration. Cibles privilégiées de ce prêt-à-penser, les Etats-Unis et Israël sont présentés de façon caricaturale. Qui sait en France que George Bush est titulaire d'un MBA de la Business School Harvard et qu'il est diplômé de Yale?
Des fonctionnaires mariés à gauche
Le monde du travail a lui aussi succombé, notamment la fonction publique, «l'une des plus gâtées» de la planète. Pour Eric Brunet, il est clair que l'immense majorité des fonctionnaires sont «mariés à gauche», forçant leurs collègues de droite à «entrer en résistance dans les administrations». Les employés de l'Etat sont d'autres grands acteurs de la gauchisation du pays. Ils entretiennent savamment un apartheid public-privé en Europe. Et puis il y a les syndicats, bien sûr. De moins en moins représentatifs, mais qui «font et défont les gouvernements». La France, raillée pour ses grèves à répétition, est lanterne rouge de l'Europe syndiquée. Ce qui n'empêche pas la CGT de régner en maître sur quelques bastions comme EDF et Gaz de France, où elle use de méthodes plus que critiquables.
Eric Brunet,
Etre de droite, un tabou français, Albin Michel 2006
Olivier Gosset
POLITIQUE
Je suis de droite, c'est grave, docteur?
Aujourd'hui en France, s'affirmer de droite dans la presse, l'enseignement, la fonction publique et la plupart des entreprises débouche sur l'ostracisme, estime le journaliste Eric Brunet. Petite incursion dans la France du politiquement correct.
ÊTRE DE DROITE EN FRANCE, le grand tabou? Que vous soyez intellectuel, journaliste, enseignant ou fonctionnaire, revendiquer ouvertement votre appartenance à la droite dans l'Hexagone vous expose au risque d'être taxé de réac, voire de facho, et peut souvent avoir des conséquences sur votre avancement professionnel. Telle est la thèse du journaliste de France 3 Eric Brunet, découvreur de cette curieuse maladie - le tabou d'être de droite - qui, selon lui, «a placé sous l'éteignoir la moitié de la France depuis soixante ans».
Etre aujourd'hui de droite en France demeure en effet la plupart du temps une maladie honteuse, soutient l'auteur: «Qui ose dire: je suis de droite? Quel artiste? Quel journaliste? Quel fonctionnaire?» S'affirmer de droite dans un pays pourtant majoritairement... de droite débouche sur l'ostracisme et la marginalisation, selon lui. Dans les salles de rédaction, à l'éducation nationale, dans la fonction publique et la plupart des entreprises, «il est de bon ton et plus payant de revendiquer son appartenance à la gauche».
Exagération que tout cela? Brunet s'attache à démontrer le contraire. Dans le monde de la presse, il rappelle ainsi quelques vérités. Selon une petite enquête réalisée par l'hebdomadaire Marianne - titre que l'on pourrait difficilement qualifier de sympathisant actif de la droite ou de suppôt du libéralisme -, seuls 6% des journalistes français avoueraient leur sensibilité de droite. Brunet cite quelques connaisseurs qui font le même constat: pour Philippe Vandel, chroniqueur historique de Canal+, qui n'est pas non plus spécialement «droitiste», «toutes les rédactions sont à gauche, même dans les journaux de droite. (...) Dès qu'un type de droite débarque à un poste de responsabilité, c'est la bronca des syndicats». Roger Auque, grand reporter et ancien otage au Liban, partage cet avis et précise: «cela ne va pas aller en s'arrangeant, car le système est tel qu'ils se cooptent».
Résultat de cette prédominance, les journalistes de gauche «ont étouffé depuis les années cinquante toutes les autres formes de pensée intellectuelle, en ne leur donnant pas voix au chapitre ou les présentant de façon caricaturale. Ces journalistes ont éradiqué la pensée de droite en accréditant l'idée que ce qui n'est pas de gauche est vulgaire, pavillonnaire et intellectuellement ténu».
Leurs victimes? Le philosophe Alain Finkielkraut notamment, qui fut au centre d'un véritable lynchage médiatique et politique lors des émeutes dans les banlieues pour quelques déclarations déformées dans un journal israélien. Son collègue Yves Roucaute, qui a inspiré plusieurs hommes politiques, a vu quant à lui sa carrière entravée. Son défaut? Etre le théoricien du néo-conservatisme français. Secrétaire perpétuelle de l'Académie française, Hélène Carrère d'Encausse, n'hésite pas de son côté à comparer le poids écrasant du politiquement correct qui règne dans certains débats à la censure des médias en Russie. Un rapprochement qui lui a valu quelques procès en «négationnisme».
Peu d'intellectuels osent effectivement se dire de droite, alors que les publications de gauche foisonnent et que les anciens trotskystes ont pignon sur rue, que ce soit au Monde ou à Matignon. L'ostracisme est tel que pour revendiquer l'étiquette taboue, il faut inventer des pisaller: se réclamer «anticonformiste» ou «à contre-courant».
Pour Brunet, c'est de cette omerta que découlerait la pensée unique qui empêche tout débat serein sur de nombreux sujets sensibles tels que les organismes génétiquement modifiés, le libéralisme, la mondialisation ou l'immigration. Cibles privilégiées de ce prêt-à-penser, les Etats-Unis et Israël sont présentés de façon caricaturale. Qui sait en France que George Bush est titulaire d'un MBA de la Business School Harvard et qu'il est diplômé de Yale?
Des fonctionnaires mariés à gauche
Le monde du travail a lui aussi succombé, notamment la fonction publique, «l'une des plus gâtées» de la planète. Pour Eric Brunet, il est clair que l'immense majorité des fonctionnaires sont «mariés à gauche», forçant leurs collègues de droite à «entrer en résistance dans les administrations». Les employés de l'Etat sont d'autres grands acteurs de la gauchisation du pays. Ils entretiennent savamment un apartheid public-privé en Europe. Et puis il y a les syndicats, bien sûr. De moins en moins représentatifs, mais qui «font et défont les gouvernements». La France, raillée pour ses grèves à répétition, est lanterne rouge de l'Europe syndiquée. Ce qui n'empêche pas la CGT de régner en maître sur quelques bastions comme EDF et Gaz de France, où elle use de méthodes plus que critiquables.
Eric Brunet,
Etre de droite, un tabou français, Albin Michel 2006
Olivier Gosset